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Le bois du Peillou après l’incendie du 15 juillet 2019

Dimanche 17 octobre 2021 de 10h à midi

Répondant à l’invitation de l’association, 22 personnes sont au rendez-vous fixé par Yves Caraglio, notre botaniste préféré, à 10 heures à proximité des jardins de la Belle de mai à Beaulieu. Le soleil est aussi de la partie.

Pédagogue à souhait, Yves nous explique qu’après un épisode de cette ampleur, on a souvent le réflexe de procéder à un abattage des arbres brûlés et à leur évacuation. Ici rien n’a été fait. Cela va nous permettre d’observer la manière dont la nature a réagi. Nous longeons la faille qui avait fait l’objet d’une observation avec Dominique Gayte, géologue de formation, lors d’une sortie le 13 octobre 2019. Nous sommes en présence d’une végétation de garrigue avec une forte densité de chênes verts. Le feu s’est déplacé avec le vent. Des îlots n’ont pas brûlé. Le pin d’Alep a adoré. Ses fruits ont libéré des graines sous l’effet de la chaleur qui se sont dispersées. Nous avons affaire à un colonisateur post incendie.

Le feu a dégagé les paysages. C’est un peu le retour aux années 1930 où il y avait du pastoralisme qui a été progressivement abandonné après la Deuxième Guerre mondiale. En fonction de

Il nous montre une rutacée -la Ruta graveolens- de la famille du citronnier, à feuille composée. C’est une plante abortive. Tout près un pistachier lentisque très odorant et à feuille composée qui lui aussi repousse à partir des parties basses du tronc.
C’est l’étape de remise au sol. On repart avec la base du tronc. La plante puise dans ses réserves. En fonction du niveau du feu, la combustion a été plus ou moins forte et la réaction des plantes se fait plus ou moins bas sur le tronc ou les branches basses.
Un participant recueille une grive musicienne blessée mais encore bien vive.

Devant une filaire buissonnante, Yves observe que les repousses ne sont pas en surface. Il gratte le sol et met à nu des racines enfoncées à 5 cm l Le système est très efficace. C’est la même stratégie qu’après une sécheresse. Il trouve que c’est une belle croissance en deux ans et qu’il n’y a pas eu de mortalité violente.

Le chêne kermès (garric) est très présent aussi. Il possède des tiges sous terre avec des bourgeons. Le feu passe, enlève des concurrents et va permettre à cet arbuste de dominer grâce à sa stratégie souterraine qui est une réponse aussi à la sécheresse. Il n’a pas perdu de temps pour fabriquer des glands en l’espace de deux ans.

Il en est de même de la garance avec ses tiges garnies de poils recourbés vers le bas. Le sanglier passe, la plante va essaimer. Ça bouture tout seul. Le pigment qui donne une belle couleur rouge est dans la tige.
La salsepareille, honnie des jardiniers, a également des tiges sous terre et en profondeur des racines tubérisées. C’est une plante hyper efficace en croissance. Avec elle on observe un phénomène de contre saisonnalité : elle développe ses fleurs et fruits à l’automne profitant de la pluviométrie.

Le genêt scorpion a bien brûlé mais pas assez pour disparaître. Le bas du tronc est très profond et peut ainsi réagir en mettant en place une profusion de rejets. La plante explose. Elle puise dans ses réserves. C’est pourtant un matériau excellent pour le feu. Il permet la mise à feu. Avec ses piquants qui le protège des grands herbivores, il a une surface d’échauffement plus faible.
On observe la présence du pistachier térébinthe qui voisine ici avec son cousin le pistachier lentisque, ce qui est rare. A la différence de ce dernier son feuillage est caduque.
Le chêne vert massivement présent en garrigue repart de la souche grâce à son système racinaire. Mais ici pour cet individu il ne s’est pas mobilisé car le feu a été trop intense alors il meurt sur pied. Il n’y aura pas de régénération.
La végétation de la garrigue revêt un aspect buissonnant qui permet difficilement le passage.
Là un gros genévrier qui ne réagit pas du tout à côté d’un petit qui réagit. Son cousin le cade pousse en zone plus sèche. Il est aussi plus rond en développement. Ce n’est pas facile pour un profane de distinguer l’un de l’autre. Le genévrier a des fruits plus bleutés.
Du côté des vignes le feu a du mal à passer. Les feuilles remplies d’eau constituent un rempart naturel. Il faut plus d’énergie pour la mise à feu. Le nettoyage du sol constitue aussi un coupe-feu d’où la présence de parcelles de vigne en garrigue.
Une surprise avec la présence d’algues qui ne sont pas que dans l’eau… Dans certaines zones de la garrigue elles constituent avec les mousses et les fougères un tapis moelleux en hiver.
Les lentisques et les oliviers font leur germination et rapidement au niveau des toutes premières feuilles se développent des petits renflements qui constituent des réserves en formant un tubercule ligneux à la base du futur tronc et permettent à la plante de se régénérer après une sécheresse ou un incendie. Ici le cas d’un chêne blanc qui repousse à partir de la base de la tige d’origine enfouie dans le sol.

Nous continuons notre promenade et Yves nous montre qu’à l’abri d’un genévrier d’autres plantes -filaire, euphorbe- bénéficient de cet ombrage pour se remettre en marche. Les plantes brûlent souvent en hauteur et les petits bourgeons qui sont situés près du sol les mettent à l’abri d’un incendie fort. Ainsi on peut en conclure qu’il y a une réponse unique de tous les végétaux que l’on soit chez nous ou en Australie ou en Afrique du sud. La présence d’une masse ligneuse constitue un mécanisme très efficace face à la sécheresse ou à l’incendie. Les pins ont une autre réponse, mourir et libérer toutes leurs graines pour coloniser la place libre après l’incendie ou après une très forte sécheresse.

La manière dont la régénération s’opère (la germination des espèces) est aussi le fruit du hasard avec une distribution des graines liée à la fréquentation des disséminateurs dont les oiseaux. Ainsi les fruits des filaires et des arbousiers sont des ressources pour les oiseaux migrateurs en automne et ils participent activement à la dispersion des graines et donc à la dispersion des espèces en déféquant lors de leurs vols.
Le hasard c’est aussi un gland sur 10 000 qui va réussir à germer et se développer sur une zone rocailleuse ou le pin qui va mettre des centaines d’années pour se réimplanter dans une falaise abrupte.
Avec l’incendie, des équilibres sont modifiés. C’est difficile d’anticiper ce qui va arriver, comment telle ou telle espèce va augmenter sa population ou bien se raréfier.
Pour bien comprendre la végétation en garrigue, il faut l’observer aux quatre saisons : toutes les espèces ne sont pas visibles à chacune d’entre elle.
Après l’incendie il est bon de dresser un inventaire pour mesurer le degré d’atteinte de la végétation et notamment des arbres. Le feu a pu passer d’un côté de l’arbre qu’il a léché sans atteindre l’ensemble du pin par exemple. Celui-ci va pouvoir continuer à produire des graines. A quelques mètres on observe une situation différente, un pin est complètement calciné. A côté un poirier qui est reparti dans les parties hautes. Il a utilisé des bourgeons en réserve présents sur ses branches.
Cela change la donne du paysage à venir. Il suffit qu’il en reste un pour qu’il y ait une dynamique de la végétalisation. Le feu se propage d’abord par la présence de combustible au sol d’où l’obligation légale de débroussaillage (OLD). On cherche aussi à créer des discontinuités verticales pour éviter la propagation du feu dans la cime des arbres et ainsi réduire son intensité. La mise à distance des arbres par abattage sélectif et parcimonieux permet de créer des discontinuités horizontales, c’est pour cela aussi que l’on implante des parcelles de cultures pour freiner la propagation horizontale du feu, c’est le rôle des couloirs de déboisement moins esthétiques et moins écologiques.

Faire de la prévention coûte cher mais constitue une dépense d’énergie bien utile. Après incendie, couper le bois brûlé et l’évacuer constitue une mesure nécessaire selon la densité du peuplement d’arbres à l’origine et selon l’intensité du feu. Si on coupe : il faut absolument évacuer sinon les rémanents laissés au sol deviennent une source de danger pour la mise à feu. Dans le bois du Peillou, il n’y a pas eu d’intervention. On observe une recolonisation naturelle, la densification de la végétation favorise la recolonisation aussi par les animaux, c’est le retour des lapins. La nature s’organise. Dans les carrières, un cas extrême de perturbation car on enlève le sol et ça repousse.

On peut voir une grande diversité d’habitats. L’action de non intervention peut être profitable mais nécessite un temps long pour mettre en place la végétation et des équilibres entre les différents organismes.
Merci à Yves toujours en symbiose avec la nature et jamais avare d’explications claires et foisonnantes.


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Régine Paris avec la relecture indispensable d’Yves Caraglio.
Merci au photographe : Patrick Paris

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Sortie Ornitho

Découvrir les oiseaux

Matinée dans la plaine de Beaulieu / Restinclières

Samedi 22 mai 2021 l’A.R.B.R.E. proposait une sortie matinale à la découverte des oiseaux dans la plaine de Beaulieu-Restinclières au printemps, une période de nidification. Une belle façon de commencer la journée en ce jour de fête internationale de la biodiversité

La balade à commencer par le chant du coq de 7 h du matin ! Très vite le groupe des 12 participants a pu entendre, et/ou observer aux jumelles les variétés suivantes dans les espaces ouverts de la plaine riches d’une mosaïque de milieux agricoles alternant friche ou pâtures, luzerne et colza :

Bruant proyer (Photo : Yves Caraglio)

 Fauvette mélanocéphale – Rossignol Philomèle – Étourneau Sansonnet 

Faucon crécerelle (Photo : Yves Caraglio) 

Milan noir – Buse Variable (observée au sommet d’un pin) – Hirondelle de cheminée – Sterne Hansel en vol, venue du bord de la mer (10 km) pour chasser les criquets en plongeant dans le blé. 

On a pu entendre et/ou observer aux jumelles les variétés suivantes dans les parties boisées de la plaine (espaces fermés) les oiseaux suivants : une Huppe Fasciée – un couple de Pie Grièche à tête rousse.

Couple de Pie Grièche à tête rousse (Photo : Yves Caraglio) 

Yves Caraglio, qui conduisait la sortie à la place du spécialiste qui n’a pas pu venir, expliquait au groupe le plancton aérien qui est l’équivalent aérien (atmosphérique) du plancton marin. Ce « plancton » alimente notamment les hirondelles et martinets. La nuit, il alimente les chauves-souris et les araignées. Le plancton aérien est la principale source de nourriture des oiseaux.

Aussi en bon botaniste, il a informé que la population d’insectes a bien chutée en raison de la sécheresse de l’été dernier notamment.

L’observation s’est terminée avec l’écoute et la vue des oiseaux suivants : le Loriot d’Europe, le Serin Cini, le Geai des Chênes que le groupe a eu la chance d’observer de près sur les branches basses d’un pin.

Le Serin Cini (Photo : Yves Caraglio)
Le Geai des Chênes (Photo : Yves Caraglio)

Et nous n’avons pas eu la chance d’observer les oiseaux suivants et présents habituellement sur le site comme l’ outarde canepetière une espèce menacée qui fait l’objet d’un programme de conservation au niveau national. Le groupe aurait aussi apprécié d’observer le Rollier, la tourterelle des bois, le Garde-Bœuf aussi !

L’outarde Canepetière (Photo : Yves Caraglio)

Tous ces oiseaux étaient en activité de chasse, de conservation de leur territoire, et même d’apprentissage du chant. La richesse du biotope de la plaine est favorisé par les espaces ouverts (la plaine) et les espaces fermés (les bois). Le cours d’eau « La Gendarme » qui traverse ses deux espaces, fermés et ouverts, enrichit, lui aussi, la biodiversité locale. 

Maintenant écoutez 🐦 🌳 🎶

Lien vers la vidéo publiée sur la page Facebook de l’A.R.B.R.E : https://www.facebook.com/ARBRE34160/videos/828511897769760

Outils

Fichiers audio de chants et de cris des oiseaux de France

Birdie Memory, un outil ludique et innovant pour reconnaître le chant des oiseaux :

L’application « Birdie Memory » à découvrir sur lpo.fr

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Sortie découverte des batraciens

Mâle chanteur de Pélodyte ponctué. (Photo de Jérémy Jalabert qui a illustré l’annonce de la sortie sur le Midi Libre)

Samedi 20 Mars 2021

Malgré le soleil, il ne fait pas chaud et le vent souffle fort, 18 adultes et une fillette se sont retrouvés à 15 h à l’ancien lagunage dans la plaine agricole de Beaulieu autour d’Aurélia Dubois, technicienne fauniste dans un cabinet d’experts, spécialiste en Herpétologie (étude des amphibiens et reptiles).

Aurélia Dubois, l’animatrice de la sortie « Découverte des batraciens ».

Amphibiens ou Batraciens

Ce groupe, plutôt mal aimé, est mal connu, pourtant il présente de belles diversités

Deux grandes familles :

  • Les Anoures (crapauds et grenouilles)
  • Les Urodèles (salamandres et tritons)

En France, il existe 38 espèces de Batraciens qui vivent dans des habitats particuliers en zone humide. Ce sont les mares, les bassins, les piscines, les rus, les fossés à faible niveau d’eau mais aussi dans les prairies, les pots de fleurs et même dans les arbres

À l’heure actuelle, on peut constater une diminution des populations. Plusieurs facteurs en sont la cause tels la pollution, la mortalité routière, le changement climatique, la régression des mares…Ils peuvent être attaqués par un champignon le chytride, celui-ci provoque une dégénérescence de la peau d’effet plus ou moins dévastateur  selon les espèces. A noter aussi la mentalité : ils ne sont pas  aimés et se font supprimer.

Suite à cette présentation, Aurélia nous conduit au bord d’une toute petite mare. L’observation est difficile ; nous sommes l’après-midi, or la période la plus favorable est le crépuscule, la mare a beaucoup rétréci, toutefois, nous avons pu observer quelques minuscules têtards d’environ 1,5 cm de  longueur totale. Ce sont des têtards de Pélodyte.

La reproduction

Selon les espèces, la saison est variable, elle se situe en général au printemps et parfois à l’automne ; c’est l’amplexus, technique qui voit le mâle monter sur le dos de la femelle et s’accrocher à elle avec ses pattes (observation d’une photo). Les pélodytes font des chapelets de ponte qui s’enroulent autour d’une herbe. Les pontes des grenouilles rousses se présentent sous forme d’amas globuleux, quant à la ponte de l’Alyte le chapelet se trouvera sur le dos du mâle jusqu’à l’éclosion. Les œufs donneront des têtards, organismes aquatiques qui possèdent une queue laquelle régressera et disparaîtra chez les anoures. Ces pontes peuvent être la proie de prédateurs tout particulièrement les tritons mais aussi les oiseaux (hérons), les reptiles (couleuvres).

Le déplacement

Quand les conditions deviennent défavorables, le froid ou la sécheresse, ils peuvent se cacher sous des pierres, des souches ; leur capacité de déplacement est très variable d’une espèce à l’autre : les grenouilles dont la peau est très sensible, très perméable, ne se déplacent guère plus d’1 km, les crapauds moins sensibles peuvent se déplacer davantage (en effet leur peau est plus épaisse, recouverte de pustules qui peuvent libérer un liquide blanchâtre lorsque l’animal est stressé). Dès qu’il y a un trou d’eau, il peut être colonisé surtout si la population est importante

QUIZ

Et pour terminer, un petit quiz. Aurélia nous fait écouter quelques chants de batraciens à partir d’enregistrements. À nous de les identifier !

1ère écoute : chant typique ressemblant à celui d’un Petit Duc : c’est l’ALYTE accoucheur

2nd écoute : tel un peigne que l’on frotte : c’est le crapaud CALAMITE

3ème écoute : chant faible car dans l’eau : c’est la GRENOUILLE AGILE

4ème écoute : chant moqueur qui peut s’entendre même le jour : c’est la GRENOUILLE RIEUSE

5ème écoute : comme une porte qui grince ou bien 2 boules de pétanque qui s’entrechoquent ; c’est le PELODYTE

6ème écoute : peut faire penser à un gros crapaud mais c’est le chant de la petite RAINETTE 


Merci à Aurélia pour cette sortie intéressante et peut-être une nouvelle rencontre en septembre.


Compte-rendu rédigé par Catherine Fels. Merci à Jacqueline et à Louise pour les photos.


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Sortie sur le terrain : des racines dans le sol

Samedi 6 mars 2021

Pour fêter les 10 ans de l’A.R.B.R.E, l’association a choisi comme thème de l’année 2021 de s’intéresser plus particulièrement aux arbres et propose à ce titre une série d’évènements.

La sortie d’aujourd’hui fait suite à la visio-conférence du 20 février dernier de Claire Atger intitulée « Pas de sol sans racines, pas de racines sans sol »  et disponible en réécoute sur le site de l’association.

24 personnes étaient présentes ce samedi 6 mars 2021 à 15 heures au rendez-vous du parking des carrières à Beaulieu pour participer aux travaux pratiques.

Claire Atger ou « Madame Racines » comme elle aime se présenter accueille les participants et leur propose de répondre aux questions : Qu’est-ce qu’un sol ? Comment cela se crée ?

Nous sommes sur la zone d’extraction de la pierre dite de Beaulieu exploitée depuis les Romains. Il s’agit d’un calcaire coquillier utilisé principalement pour la construction de bâtiments publics et privés. Nous sommes au niveau de la roche-mère. Le sol originel a disparu par l’exploitation de la carrière et on observe la manière dont la roche mère est recolonisée. Nous pouvons ainsi voir les premières étapes d’une implantation accélérée. On a une belle image de ce que la végétation peut faire quand on la laisse en paix. Il en a été de même à Tchernobyl. 

Dans la zone d’extraction de la pierre dite de Beaulieu exploitée depuis les Romains.

La revégétalisation commence avec l’implantation d’algues de lichens, puis de mousses qui en se décomposant déposent des matériaux organiques qui permettront à des herbes annuelles puis à des plantes pérennes de s’installer successivement. Claire nous montre un sol qui a été fabriqué grâce à l’action des racines des plantes. C’est la pédogenèse (genèse du sol). Avec les excréments des animaux de passage, on aura des graines. Le thym, la lavande, l’euphorbe s’installent en premier puis nous avons des végétaux plus hauts.

La paroi verticale qui est devant nous n’héberge aucun végétal, trop lisse et difficile à coloniser alors qu’à son sommet pousse déjà un pin dont on peut supposer que l’implantation a été plus facile que sur les parties verticales. La végétation ligneuse de première génération va permettre l’implantation d’autres végétaux. Un processus de cicatrisation avec des arbres tombés au sol peut aussi s’opérer. Les pins recolonisent rapidement, ce sont des pionniers, puis arrivent plus tardivement les chênes.

Ici les arbres sont « transparents » avec une croissance difficile en particulier parce que leurs racines courent presque directement sur la roche mère faute d’un sol leur permettant de s’implanter en profondeur.

Pour une meilleure compréhension du processus, plusieurs fosses ont été creusées gratuitement par Gaël Even, terrassier, avec des objectifs précis, dans une zone de carrières qui a été comblée : deux fosses à proximité d’arbres, une troisième en lisière des cannes et une quatrième dans un sol anthropisé[1].

L’extraction de la pierre a creusé des cavités et leur comblement a été conduit par l’alternance de couches de matériaux qui n’ont rien à faire ici : de l’enrobé, des blocs de calcaire, des morceaux de verre… Nous ne sommes pas dans la stratification naturelle des sols. C’est un remblai. Ce n’est pas forcément mauvais. C’est ainsi que les villes s’élèvent de 10 cm par siècle et que nous avons des sols anthropisés.

Pour tester un sol, le pédologue va s’intéresser à la physique du sol. Il va étudier notamment la porosité du sol qui va permettre aux racines et aux vers de terre de se déplacer grâce à l’existence de poches d’air qui facilitent aussi l’infiltration de l’eau de pluie. Ainsi une structure grumeleuse est une bonne chose. Le pédologue dispose d’un code des couleurs.
Un des critères morphologiques des sols facilement accessible est sa couleur. Elle est appréciée aussi bien lors d’un sondage à la tarière que sur la paroi d’une fosse pédologique, en utilisant la Charte internationale des couleurs Munsell® (Munsell Soil Color Chart).  Chaque couleur est identifiée par un code unique qui combine la teinte de base, la clarté et la saturation. Certaines colorations l’alertent. 

Paroi d’une fosse pédologique.

La proportion d’argile dans le sol est importante dans notre région. Nous avons aussi des limons, du sable. Le mélange de ces matériaux est favorable. On peut y ajouter des fragments de roches plus grossiers (petits graviers par exemple) pour améliorer la porosité. Les sols de remblai comprennent aussi des matériaux exogènes qui se mélangent à l’argile. 

Il faut que le sol respire pour favoriser la décomposition de la matière organique et la vie des organismes du sol (végétal et animal). Le manque d’air est néfaste : on parle alors d’un état d’hydromorphie lorsque le sol ne draine pas correctement et qu’il est donc dépourvu d’oxygène ce qui ne permet pas aux animaux de vivre. Les plantes ont une capacité extraordinaire pour s’implanter. Elles doivent cependant puiser des éléments organiques d’où l’importance du drainage.

Pour analyser sérieusement un sol il faut creuser une fosse, prélever des « carottes » et étudier la porosité (existence ou non de petits et grands trous). Souvent on préfère, à tort, faire une analyse chimique des sols plutôt qu’une étude physique.  

Nous nous dirigeons vers la première fosse devant deux cèdres. Claire prélève un premier matériau. Son aspect « crumble » est positif. Il témoigne du rôle de la matière organique dans la structuration du sol. Les pédologues étudient aussi la manière dont le matériau se fissure. Ils cumulent des paramètres importants pour déterminer la qualité d’un sol. Dans un sol naturel, la matière la plus foncée devrait être en surface et la plus claire en profondeur. Avec les remblais, c’est différent.

Claire nous montre des racines qui peuvent descendre très profondément dans le sol. La diversité des formes souterraines est extraordinaire. Ainsi nous sommes devant un pin d’une quinzaine d’années (âge déterminé par la lecture des étages de branches) à la croissance faible.

Claire Atger en pleine démonstration.

Les formes racinaires sont très variées pour réussir à coloniser le sol avec un système de racines principales qui se fixent dans le sol et des racines horizontales qui en dérivent pour boire et manger.

Nous abordons la deuxième fosse à proximité d’un pin. Les variations des qualités du sol peuvent être très importantes sur de très faibles distances, le sol est parfois fondamentalement hétérogène. Le milieu aérien est relativement homogène et structuré. Le sol n’étant pas homogène, la partie souterraine des végétaux offre plus de plasticité pour permettre à la plante de se procurer ce dont elle a besoin selon les variations du milieu. Ainsi en est-il des sols alluvionnaires déposés par les cours d’eau. Le fleuve Aude s’est déplacé et baladé sur de  très grandes distances. On trouve des restes de dépôt un peu partout avec des volumes différents. En faisant un remblai, on couvre et on modifie les caractères du sol.

Fosse à proximité d’un pin.

Une auditrice s’interroge sur ce qui se passe quand on comble la fosse ?

Claire indique que les racines ont obligatoirement souffert. Elles boivent à leur extrémité, là où il n’y a pas d’écorce. Les arbres savent refaire des extrémités. Mais dans les racines il n’y a pas de bourgeons, donc la restauration des plaies est difficile.   

Une autre question concerne l’habillage des racines ?

Quand on arrache un arbre pour le replanter il faut faire des plaies propres, franches, sectionner les racines rigides et réduire les racines fines pour qu’elles ne dépassent pas le volume défini par les racines. Si des racines fines dépassent à la plantation elles pourront être déformées et Attention il peut y avoir un risque d’étranglement.  Quand on achète une plante en pot, il faut sortir la motte et l’examiner. S’il y a beaucoup de racines qui sortent de la motte et qui tournent dans le pot, ce n’est pas bon. Ne pas hésiter à les couper. Les plantes en pot sont souvent bourrées d’engrais. Il vaut mieux acheter des arbres en racines nues, de petits calibres avec plein de racines de nutrition. Pour les arbres fruitiers, on achète un arbre composé d’une tige unique de petit volume (un scion ou un baliveau). Si on plante un arbre déjà grand, il faut mettre autour des arbres moyens et des petits car l’avenir est dans les jeunes.

Nous passons à la troisième fosse, à proximité des cannes. Nous observons un sol inversé : d’abord la roche puis la terre. Des cannes progressent en surface avec des rhizomes d’où une colonisation superficielle  car la stratification du sol est bloquante.

Fosse à proximité des cannes.

Quelles différences avec le bambou, interroge une auditrice ?

C’est le même groupe nous dit Claire avec des tiges creuses mais d’une autre espèce. A différencier aussi de la canne à sucre dont on mange des bâtons.

La quatrième fosse a été creusée sur un sol anthropisé. C’est la cour des miracles ! Nous avons des restes de matériaux divers et pouvons constater la grande résilience des végétaux compte tenu de la toxicité de certains produits. Nous sommes sur l’emplacement d’une ancienne déchetterie. C’est colonisable néanmoins. Un bon terrassier va faire des creusements et des tas différents en fonction des différentes couches qu’il rencontrera. Il les stockera en différents tas et puis les remettra dans l’ordre d’origine. 

Claire travaille à aider des collectivités locales à réussir des plantations de qualité. Elle est critique sur les normes en vigueur qui ne sont pas généralisables à toutes les espèces. Ainsi la norme dit que le diamètre de la motte racinaire devrait faire trois fois la circonférence de l’arbre à un mètre de hauteur, ce qui est trop peu. Elle continue à préférer la plantation de petits sujets qui deviendront grands bien qu’ils ne soient pas spectaculaires au départ. Elle évoque le remplacement des platanes le long du canal du Midi notamment par des micocouliers aux racines explosives et regrette que l’on n’ait pas fait le choix de nouvelles espèces à titre expérimental en raison du changement climatique.

Quelques vaillants auditeurs manient la pelle pour combler cette fosse afin d’éviter la chute malencontreuse de quelques promeneurs distraits.

A l’issue de cette déambulation sympathique et instructive, nous voici mieux informé.es sur la nécessaire et judicieuse cohabitation sol-racines. Merci à Claire pour ses explications limpides. Nous regarderons désormais autrement là où nous posons les pieds et guetterons le moindre ver de terre pour nous rassurer sur l’état du sol.

Régine Paris avec la relecture attentive de Claire Atger

Merci aux participants, Patrick Paris, Marie-Paule Dusserre et Jackie Maert, qui ont partagé leurs photos pour illustrer ce compte-rendu.


[1]    Dégradation du sol liée à l’action humaine


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La sortie découverte du sentier nature des Carrières de Beaulieu

 Dimanche 20 septembre 2020 

Compte tenu des conditions sanitaires particulières liées à l’épidémie de Covid-19, la sortie découverte du sentier nature dans les carrières de Beaulieu, organisée dans le cadre des journées du Patrimoine par l’association A.R.B.R.E, le dimanche 20 septembre à 16 heures, était réservée aux adhérents et limitée à 30 participants. 

Le panneau 1 qui se situe sur le parking en face du gymnase.

 Le rendez-vous était fixé au parking du bois du Renard, en face du nouveau gymnase Edmonde Carrère. Yves Caraglio, botaniste et chercheur au CIRAD, a distribué des écouteurs et formé trois groupes de dix personnes. Le port du masque était obligatoire. 

Le rendez-vous de 16 h au point de départ du sentier des Carrières.

 Au départ nous avons rejoint le parking du théâtre des carrières où les enfants ont formé le groupe de tête pour cheminer le long du sentier grâce aux fourmis noires et rouges peintes sur des roches. 

Avec les 50 mm de pluie tombée la nuit précédente, la nature avait repris du tonus comme les deux buissons de chêne Kermès correspondant au premier panneau portant sur la relation plante/insecte. Déjà grâce aux 20 mm de la dernière pluie, la sarriette avait refleuri. 

Le chêne Khermès et sa cochenille

Tout au long du parcours, avec le respect de la distanciation physique et grâce aux écouteurs, les promeneurs ont pu profiter des explications fournies par Yves, jamais avare de précisions. En empruntant un des anciens chemins de carriers, il a évoqué le projet dans l’avenir d’installation de panneaux évoquant l’exploitation depuis les Romains du calcaire coquillier. Les traces laissées par les roues des anciens charriots et les fers des chevaux attestent d’une extraction ancienne et intense. 

Un ancien chemin de carriers.

Chemin faisant nous avons pu admirer ici une plante parasite à fleurs jaunes, là des gueules de loup bien vives. Ayant saisi au passage une fourmi volante –une reine-, Yves nous explique que même « coupée en morceaux » elle continue à vivre. On peut en ce moment observer des vols de fourmis mâles et femelles qui peuvent atteindre 40 mètres de hauteur pour s’accoupler. Il en est de même des abeilles. 

Petite pause devant le deuxième panneau consacré au pistachier térébinthe qui pousse à l’état naturel dans la garrigue, à la différence du pistachier lentisque –le restincle en occitan qui a donné son nom à la commune de Restinclières – le lieu où on plante le restincle- dont on ne retrouve plus la trace aujourd’hui sur nos deux communes. Il fut dans le passé utilisé pour en extraire le tannin destiné au traitement du cuir. 

Le pistachier térébinthe et ses pucerons.

Le troisième panneau concerne des plantes dont il faut se méfier comme le cornouiller sanguin, un arbuste qui produit des baies noires susceptibles, si on les consomme, de provoquer des vomissements à la différence du cornouiller mâle aux baies rouges avec lesquelles on fait de la confiture. Yves nous met en garde aussi contre la toxicité du muguet et du laurier rose

Là encore on peut admirer un ancien front d’extraction des carrières exploité manuellement qui pourrait, par la suite, faire l’objet d’un panneau informatif.

Les plantes à manipuler avec précaution.

Nous arrivons à proximité des plantes accrocheuses comme la salsepareille de faible hauteur -3 à 4 mètres- qui forme de grandes draperies dans les arbres qu’elle enserre. Idem pour la clématite. On passe à côté du théâtre des carrières. Un arbre est tombé la nuit dernière. De cet endroit on peut accéder à un promontoire sur lequel a été installée la croix des carrières et d’où l’on pouvait, jusqu’à il y a une trentaine d’années, admirer tout le village. La garrigue était alors exploitée pour sa pierre, le bois pour les charbonnières et elle servait aussi de pâture aux moutons. Yves nous invite à distinguer le paysage remanié par l’homme avec des points hauts suite à l’exploitation de la pierre, du paysage naturel. Dès le Moyen-Age l’extraction concernait des petites zones destinées à la construction de maisons, bâtiments religieux et agricoles. 

Les plantes accrocheuses.

Toujours guidés par les petites fourmis noires et rouges, nous arrivons face au parc des carrières, créé en 2013 par l’association A.R.B.R.E sur le site d’une ancienne décharge. Le trou a été comblé et le Département a répondu favorablement à la demande de réhabilitation de la commune de Beaulieu en finançant les premiers aménagements.
80 arbres d’origine méditerranéenne, à croissance lente, ont été plantés à l’occasion de la naissance des enfants dans la commune et sur la base du volontariat des parents. Une extension est envisagée. L’accès récent à l’eau du Bas-Rhône, grâce à l’intervention de la commune, facilite l’arrosage pendant la période estivale. Le panneau de présentation du parc récemment tagué va être remplacé. 

Arrêt devant le panneau du ciste de Montpellier, à l’entrée du parc des plantations : Une Naissance-un Arbre (UNA)

Devant l’entrée du parc un panneau sur le ciste de Montpellier a été installé récemment. Le feuillage vert foncé roussit avec la chaleur et peut servir d’indicateur aux pompiers sur les risques d’incendie. Ses fleurs sont blanches et il est absent de notre garrigue, à la différence du ciste blanc ou cotonneux, dont les fleurs sont roses. 

Le ciste de Montpellier.

Reprenant notre promenade, nous passons devant le panneau du fenouil puis en tournant à droite nous découvrons sur une petite butte le panneau du lierre. Petite pause pour écouter le commentaire d’Yves concernant cette plante qui a souvent une mauvaise réputation. Elle colonise des surfaces importantes et se reproduit rapidement une fois à la pleine lumière. Le lierre n’abîme pas l’arbre et met en place un ombrage au tronc. 

Par la suite il sera possible de modifier l’itinéraire avec un cheminement consacré à l’exploitation de la pierre qui pourra également nous conduire vers le village.
À proximité nous observons de la lavande sauvage et des plantes qui bénéficient de l’effet de nursing ou -pour parler français- de l’effet de facilitation à l’abri d’autres plantes dont elles s’émanciperont par la suite. Nous ne pouvons qu’être séduits par l’intelligence du monde végétal qui déploie des stratégies de développement et de survie remarquables. 
Nous passons devant une plante odorante –smilax- dont le parfum agréable est difficile à extraire. 

Le groupe est passé devant une odorante smilax.

L’avant-dernier panneau concerne le figuier. Une animation en 2019 dans les écoles de Beaulieu et Restinclières a rencontré un beau succès et permis aux enfants de se familiariser avec la biologie de reproduction complexe du figuier. 

Le figuier.

Un magnifique chêne vert clôturera cette balade. Alors que tout était pelé –pâture et exploitation de la pierre-, ce chêne a pu se développer à son aise sans subir des coupes meurtrières et en retour il assurait un bel ombrage aux bergers et bergères ainsi qu’aux moutons de ce temps révolu. Cet arbre qui pousse habituellement en peuplement est très dominant et ne laisse pas beaucoup de place aux autres plantes. La yeuse est l’autre nom du chêne vert et l’euzière, le lieu où il est planté. A cette occasion Yves rappelle que la toponymie est souvent en relation avec la botanique. Ainsi en est-il du lieu-dit « Ginestet » dépendant de Beaulieu qui désignait un lieu planté de genêts servant à fabriquer de la toile de maison. Un participant à la promenade nous signale que la consultation des anciens cadastres informait sur l’utilisation des terres –ce qui n’est plus le cas aujourd’hui-.

Le chêne vert termine la découverte du sentier nature des Carrières.

La promenade-découverte du sentier nature est terminée. Elle va néanmoins se prolonger jusqu’au parking avec les réponses d’Yves à quelques questions. De même il montre aux enfants et aux adultes un « diablotin », sorte de mante-religieuse de couleur grise ou verte qui possède deux pattes ravisseuses. 

Nos petits Poucets qui ont conduit la promenade n’ont pas eu besoin de retrouver les petits cailloux : les fourmis les ont bien guidés. Les plus grands ont apprécié les explications toujours claires et savantes d’Yves Caraglio. 
Un clin d’oeil à la « calament », sorte de menthe sauvage, avec ses perles dorées odorantes sur les feuilles : les ajouter à une salade de tomates, c’est divin…

Avant de se séparer, Jacqueline Taillandier, présidente de l’association ARBRE, rappelle que la conférence « Être une plante en garrigue. Résister à la sécheresse, survivre ou mourir. » est programmée à 18 h à la salle municipale du foyer à Beaulieu le dimanche 11 octobre en complément de la sortie sur le stress hydrique des plantes qui s’est déroulée début juillet. 

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Régine Paris
Avec la relecture bienveillante d’Yves Caraglio et les photos de Patrick Paris. 

Sortie nature

Le stress hydrique chez les plantes

Dimanche 5 juillet 2020 à 17 h

Pendant le confinement toutes les activités de l’A.R.B.R.E ont été arrêtées en raison de la situation sanitaire liée à la pandémie de Covid 19. Aussi, il faisait bon de se retrouver ce dimanche entre adhérents et sympathisants de l’association pour un cheminement tranquille dans le bois du Renard, en direction de Restinclières.

18 personnes étaient au rendez-vous du parking du Renard pour, chemin faisant, écouter Yves Caraglio, botaniste et chercheur au CIRAD, nous parler du stress hydrique des plantes sous un climat méditerranéen.

Lorsque la température s’élève, le manque d’eau se fait sentir. Les plantes sont immobiles. Elles subissent l’environnement. Aussi y-a-t-il beaucoup de plantes annuelles et de céréales comme la folle avoine qui font leur cycle de vie avant la saison chaude et sèche de l’été et ainsi évitent ce stress hydrique. Si beaucoup de plantes annuelles sont sèches en ce moment, les graines elles sont là pour assurer la suite de l’espèce et elles sont tout à fait résistantes à ce manque d’eau : elles sont en repos profond et attendent les conditions du printemps pour germer.

Premier arrêt devant des plantes sur lesquelles s’agglutinent des petits escargots blancs. En respirant, ils dégagent de l’humidité. Ils tournent sans cesse et ainsi chaque escargot selon le moment protège les autres  ou bien est protégé par les autres. On retrouve des stratégies équivalentes pour lutter contre le froid chez les manchots ou les yacks.

Du côté des humains, quand on a chaud on transpire. On perd de l’eau alors on boit. C’est pareil pour les plantes. Des échanges gazeux s’opèrent : les plantes respirent tout le temps mais la journée elles absorbent aussi du gaz carbonique pour fabriquer de la matière végétale par la photosynthèse et en « transpirant » le flux de perte d’eau permet à la plante d’amorcer un mouvement d’eau et d’éléments minéraux depuis les racines jusque dans les feuilles. Tout ce qui n’est pas sec contient de l’eau. On recense plusieurs stratégies :

  • Le chêne vert va s’affranchir de la sècheresse en développant ses racines là où il y a de l’eau. Délaissant ses tiges, il fabrique surtout de la racine quand il est jeune. Le pivot racinaire peut mesurer rapidement 70 cm au détriment du développement de petites racines latérales. Ça ne marche pas toujours, alors il meurt ! Mais cette stratégie d’évitement de la sècheresse marche très souvent.

Ses feuilles luisantes de couleur verte sur le dessus, de couleur claire au-dessous et poilues Sur le dessous, la feuille comporte des trous (les stomates) qui assurent les échanges gazeux.

  • Le pin d’Alep développe une autre stratégie au niveau des racines. Il explore le terrain sur une petite épaisseur mais sur une grande surface. Ses feuilles de structure linéaire évitent ainsi de trop s’échauffer aux rayons du soleil.
  • Le genêt scorpion (de la famille du petit pois et du haricot) a de toutes petites feuilles et qui tombent assez rapidement. Ce sont les tiges qui assurent la photosynthèse. Le côté épineux est une réponse à une pression herbivore vis-à-vis des ruminants qui, pour certains, ne sont plus présents depuis très longtemps. 
  • L’orpin a des feuilles rondes qui ne sont pas vertes en ce moment car il fait très chaud et il y a peu d’eau disponible. Quand il fait chaud, la journée, elles ne travaillent pas. Elles accumulent de l’énergie et la nuit, plus fraiche, elles assurent les échanges gazeux pour réaliser la photosynthèse.

Dans notre région, comme on peut le constater sur place, les chênes verts et les pins d’Alep se développent bien.

Une autre stratégie consiste à ne pas perdre l’eau emmagasinée. Il s’agit soit d’éviter la sécheresse soit de résister. Des végétaux ont développé des stratégies originales pour :

  • conserver l’eau,
  •  et résister aux prédateurs grâce à de grosses molécules odorantes. Il en est ainsi des plantes condimentaires comme la sarriette. Les petites feuilles ont une odeur qui dissuade certains petits prédateurs. Les grosses molécules font que la déperdition de l’eau est moindre. Ces plantes arrivent à se développer dans des fissures ou des petites dépressions avec peu de sol. On a du thym avec un gros feutrage de racines. Le matin le sol est mouillé comme dans le désert. Le système racinaire est important, de petite dimension et peu profond et ainsi la plante peut absorber cette eau superficielle. L’été certaines plantes se dessèchent, c’est facile à observer sur les mousses mais le Ciste de Montpellier fait de même, ses feuilles roussissent et avec les pluies d’automne elles reprennent leur couleur verte. 

Il en est ainsi du pistachier térébinthe qui dégage une forte odeur. Il se développe dans des zones contraintes, de petite dimension et peut devenir un bel arbre si les conditions sont meilleures. La résine qu’il produit colmate les blessures. Des insectes viennent pondre sur les folioles et réalisent une partie de leur cycle de vie sur le Pistachier. Un joli panneau installé à proximité du théâtre des carrières nous dit tout sur cet arbre particulier et sur son association avec un petit insecte.

Le chêne blanc est lié aux zones où existent de l’humidité. Un grand déséquilibre par rapport au chêne vert a découlé de la sédentarisation de l’homme qui a abattu les chênes blancs en quantité pour cultiver la terre à la différence du chêne vert qui se développait en dehors des zones humides. Aujourd’hui avec la déprise agricole le chêne blanc revient.

Poursuivant notre promenade nous rencontrons les immortelles  (Helichrysum). En matière de végétalisation des toits, le sedum ou orpin est très apprécié car il n’a pas besoin d’arrosage.

Un nouvel arrêt devant un couvert de végétaux hauts où il y a moins de plantes. Yves nous conseille d’observer la végétation aux quatre saisons pour faire un bon relevé floristique. Ici il y a des mousses qui constituent un bon matelas et absorbent l’humidité, des fougères et des lichens. Le sol est le lieu où il y a de la vie (matière organique, bactéries, champignons, insectes…) et les racines. Sur place on peut observer des petites euphorbes rouges en mauvais état et à côté une euphorbe verte, bien portante au milieu d’autres plantes : elle s’est mieux débrouillée ! C’est ce que l’on appelle « la facilitation » en écologie : des plantes par leur ombre et leur tissu racinaire favorisent l’installation d’autres plantes.

Nous arrivons dans une zone dite ouverte. Si en Bretagne on peut connaître les quatre saisons dans une journée, il n’en est pas de même en zone méditerranéenne. Ici la pluviométrie est irrégulière. On observe des cumuls importants et des régimes de pluie intenses qui ravinent les sols. 

Nous sommes devant un chêne vert âgé, de faible hauteur. Pour survivre, l’arbre réduit sa structure. Il pratique « la mortalité en tête » comme on peut le constater de visu. Ainsi des plantes vont croître très lentement. Il ne faut pas effectuer un arrosage intensif mais élaguer le bois mort. On n’est pas dans un système de production dans lequel on remplace régulièrement les arbres. A côté du chêne vert, il y a aussi un pin d’Alep très âgé.  La hauteur pour une espèce donnée est un bon reflet du sol, de sa richesse ou fertilité.

L’an dernier avec les très fortes températures que nous avons connues fin juin, on a assisté à l’insolation des feuilles. Ce fut le résultat d’une combinaison malheureuse. 

Un peu plus loin on découvre un pin d’Alep déraciné par le vent. Il n’était pas bien ancré dans le sol : il poussait lentement car il n’avait pas suffisamment de sol à exploiter par ses racines, pas de fissures pour bien s’ancrer.

Dans la profondeur d’une ancienne carrière la végétation s’est développée grâce à l’accumulation de l’eau au sol. Un saules’est implanté. Un figuier est en survie. Il ne se reproduira pas. On peut voir sur un mur un figuier avec une boule. Il n’a pas pu développer un système racinaire normal. A cet égard Yves rappelle que le figuier est présent dans le monde entier sauf en Nouvelle-Zélande. Si les figues sont toutes comestibles, elles ne sont pas toutes gustatives.

Un peu plus loin sur le chemin du retour, la clématite (de la famille des renoncules) s’éclate. Sa structure a investi des axes très longs et grêles, moins coûteux en eau. Que dire du millepertuis (la plante aux mille trous qui sont des poches où s’accumulent des secrétions d’huile essentielle)… il en est de même pour la feuille du citronnier.

Pour terminer Yves s’arrête devant un chêne kermès, la troisième espèce de chêne de notre balade, avec des feuilles bien vertes. Yves rappelle que le gland met deux ans pour atteindre sa maturité. Il est rare d’y voir aujourd’hui les cochenilles qui ont fait la réputation de cet arbuste ainsi que l’évoque le panneau réalisé par l’association A.R.B.R.E à l’entrée du parking du théâtre des carrières.

Yves est intarissable. C’est un vrai conteur qui pourrait nous tenir en haleine jusque tard dans la nuit. Mais il faut en garder pour une autre fois.

La sortie prend fin avec un rafraîchissement offert par l’association A.R.B.R.E qui permet de poursuivre la conversation dans l’agora du Renard. Il y est question notamment de la semaine Regards croisés programmée du 16 au 21 novembre 2020 sur le thème de l’eau. Les pluies cévenoles… méditerranéennes maintenant ne seront pas à exclure !

Nous remercions Yves. Il est presque 20 heures.

Régine Paris avec la relecture précieuse d’Yves Caraglio.