Sortie nature dans les Carrières de Beaulieu

Re-colonisation végétale naturelle d’un lieu modifié par l’homme

Dimanche 17 septembre 2023 dans les carrières de Beaulieu

À l’occasion des Journées européennes du Patrimoine (JEP) l’association A.R.B.R.E a proposé une balade dans les carrières de Beaulieu sur le thème de la re-colonisation végétale naturelle d’un lieu modifié par l’homme.
Une vingtaine de personnes ont répondu présentes pour participer à cette sortie animée par Yves Caraglio, botaniste, chercheur au CIRAD et bénévole de l’association A.R.B.R.E. Le rendez-vous a été fixé à 16 heures au parking du parc des carrières à Beaulieu.

Rendez-vous devant le parc des Carrières de Beaulieu.

En introduction, Yves rappelle l’origine très ancienne de la formation du vaste dépôt de pierre calcaire qui s’étend sur cinq communes -Beaulieu, Restinclières, Castries, Saint-Géniès-des-Mourgues et Sussargues- et qui se prolonge jusqu’au Pont du Gard -la commune de Vers-Pont-du-Gard d’un côté et Juvignac de l’autre côté.
Deux carrières sont toujours en exploitation sur la commune de Beaulieu -les entreprises Farrusseng et Proroch-.
L’exploitation des carrières a commencé à l’époque romaine et s’est poursuivie au Moyen-Âge jusqu’à nos jours. Au fil des siècles on a creusé partout. L’eau a contribué à dissoudre le calcaire et des micro-organismes ont attaqué la pierre. Il s’agit d’une roche tendre et poreuse. On parle de calcaire coquiller. La pluie va former, par érosion souterraine, un karst avec des rivières souterraines. Ça percole un peu partout !
L’utilisation jusque dans les années 1950 de charrettes aux roues cerclées de fer et tirées par des chevaux ferrés va laisser des traces sous la forme de dépressions encore visibles dans le sol. 

Nous cheminons le long du chemin des prés. Yves Caraglio attire notre attention sur la partie gauche -une zone abaissée et affleurante-.  Les carriers se déplaçaient en fonction de la qualité du sédiment. A droite du chemin nous avons à l’inverse un endroit naturel. L’érosion a occasionné des fissures dans la roche. Des champignons et des bactéries ont fabriqué un terreau puis un sol sur lequel vont se développer des plantes en absorbant les éléments minéraux. 

Une fissure dans la roche.

Ainsi en fonction de la micro topographie, des plantes essaient de s’installer. Yves rappelle que sur 1 000 graines de pin d’Alep par exemple, une seule permettra de donner un nouvel arbre…

Nous sommes à la fois dans une zone d’extraction et dans une zone de pâturage d’où la présence en contrebas à gauche d’un puits couvert dit de Thérond et d’un abreuvoir pour les moutons alimentés par le ruissellement de l’eau. Nous sommes dans un dépôt de carrière qui a été recolonisé par les végétaux.

Le puits de Thérond

Yves nous montre de la sarriette. Même si les tiges extérieures peuvent paraître mortes, la plante survit au niveau des racines. 

La sarriette.

On voit aussi du thym dans le creux laissé par une roue et qui a été comblé par des matériaux. Ici on ne parierait pas pour planter … peu de graines germent. Des plantes peuvent même disparaître en fonction du régime des pluies.

Yves nous montre un minuscule chêne vert : de petits interstices suffisent pour l’accueillir.
Au passage, on peut dater les fonds d’extraction en fonction des traces laissées par les outils de l’époque.

La végétation est menacée par l’incendie et la prédation des animaux (insectes, mammifères…). Certaines plantes se protègent : l’euphorbe produit du latex, le chêne kermès est piquant : il a beaucoup de réserves dans ses graines et ses racines s’enfoncent profondément dans le sol. Les plantes piquantes se protègent des mammifères. Les arbres avec des petites feuilles chauffent moins (les asperges).

On voit des pins de haute taille qui abritent sous leur couvert des petits chênes qui poussent plus lentement mais qui leur survivront ! La zone méditerranéenne offre ainsi une grande diversité de plantes.

Nous continuons sur le chemin des prés et nous rapprochons du pont dit « manqué » sans rivière au-dessous. C’était la voie qu’empruntaient les charrettes transportant le bois et les pierres jusqu’à Sète d’où ils étaient exportés vers l’Algérie pendant la période coloniale.

Nous empruntons un sentier sur la droite. Yves nous montre des zones avec des déséquilibres. Il parle d’une « zone bloquée » envahie par la salsepareille et dans laquelle très peu d’autres plantes arrivent à s’installer, l’asperge y survit, mais aucun arbre. On peut observer une interaction entre les organismes. Une structure bloquante n’est pas très diversifiée. Il en est ainsi de certaines zones à lianes sous les tropiques. Mais des animaux et des plantes y trouvent leur compte : des animaux peuvent se cacher comme les couleuvres.

Yves a une intention particulière pour la mousse qui constitue au cours du temps de la matière organique et offre ainsi un lieu accueillant pour la germination des graines de petites plantes.

Il a plu. Les feuilles gardent l’humidité. Les bactéries ont moins d’activité que dans d’autres régions car tout l’été est sec. Yves nous montre le chêne kermès qui bloque tout un espace. Il rend hommage à cet arbuste qui résiste à l’incendie grâce à ses tiges souterraines. Après le feu, elles repartent bien protégées dans le sol.

Zone de chêne kermès.

Dans une zone en terrain naturel, un chêne s’est implanté dans les fissures d’une roche. De bonne taille, il trône toujours sur son caillou.

Un chêne s’est implanté dans les fissures d’une roche.

On arrive dans une zone dite « ouverte ». Ce sont les carrières du Génie en souvenir du Génie civil chargé d’exploiter la pierre au lieu-dit « les Fades »  (les Fées, d’où vient le terme commun de Fada) dans les années 1960 pour construire des immeubles à Montpellier dans le quartier de la Paillade. Les pierres de Beaulieu ont aussi été utilisées récemment pour la réhabilitation de l’ancien hôpital Saint-Charles. Au printemps, quand il a bien plu, on peut voir des tritons dans les trous des carrières (les zones d’extraction) remplis d’eau. C’est une zone où il reste de l’activité.

Les carrières du Génie.

Yves attire notre attention sur la colonisation par des peupliers, un pistachier térébinthe dans la fissure d’une roche et au sol du plantain.
Des orchidées sauvages poussent dans de petites anfractuosités de la roche. 

Dans les années 1990, on a décidé de combler les excavations laissées par l’exploitation de la pierre avec des matériaux appelés « des inertes ». On peut ainsi distinguer des zones plates et des zones colonisées.

L’association A.R.B.R.E a entrepris il y a dix ans de réhabiliter une zone violemment dégradée, devenue une décharge à ciel ouvert, en la transformant en un parc consacré aux espèces méditerranéennes. Après 10 années d’activités, les plantations sont terminées. Nous continuons à l’entretenir et à l’embellir.

Nous sommes maintenant dans un nouveau projet consistant à créer à côté du parc des carrières un jardin potager et d’agrément « en sec », sur un mode participatif, dans le but d’échanger des savoirs. On essaiera aussi d’acclimater des plantes venues d’ailleurs.
Nous avons fait appel à deux étudiantes de l’Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles-Marseille pour élaborer le schéma du futur jardin, qui s’inscrira dans le relief artificiel laissé par l’exploitation de la pierre. Le but est aussi d’économiser au maximum l’eau en choisissant des espèces peu gourmandes.

Un panneau d’information du public va être installé prochainement, il a été présenté aux participants de l’opération annuelle « Nettoyons la nature » le dimanche 8 octobre dernier à Beaulieu. 

Pour mener à bien ce projet nous disposons d’un financement pour les deux premières années fourni par la Fondation du roi Baudouin avec l’aide des Fonds Renner Energies. Nous recherchons d’autres mécènes pour assurer la pérennité du projet.

Ce projet s’inscrit dans une zone de turbulence climatique dont nous ignorons à ce jour la durée ni l’intensité.

Le groupe devant le futur jardin sec/potager de démonstration.

La promenade botanique s’achève à 17h30.

Régine Paris avec la relecture d’Yves Caraglio

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Publié le 12 octobre 2023, dans Sorties découvertes, et tagué . Bookmarquez ce permalien. Commentaires fermés sur Sortie nature dans les Carrières de Beaulieu.

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