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Sortie champignons

Suivie d’une mini conférence

Samedi 19 novembre 2022

C’est une première pour l’association A.R.B.R.E ! Le rendez-vous est fixé à 15 heures devant la mairie de Restinclières après inscription pour limiter le groupe à 30 personnes. Ce sont quelques 40 personnes qui sous un beau soleil d’automne ont emprunté le chemin de Galargues pour se rendre dans le petit bois de la Jasse en lisière de la départementale 118 sous la conduite d’Yves Caraglio, botaniste et référent scientifique de l’association, accompagné de Franck Richard, professeur à l’Université de Montpellier dans le département Biologie, Ecologie et Evolution. 

Après une petite mise en jambes, nous nous arrêtons dans le bois. Franck Richard propose de découper l’après-midi en trois séquences : d’abord quelques conseils de base avant de procéder à la cueillette puis un atelier dans une clairière voisine pour examiner les champignons ramassés et en fin d’après-midi la poursuite de l’observation dans la salle des Rastincles, à proximité du stade.

Installés en cercle autour de l’intervenant et pour certains précautionneux munis de paniers et de sachets, les participants se montrent attentifs aux conseils prodigués pour effectuer une cueillette efficace.

De prime abord Franck Richard indique que la microscopie a permis de grands progrès dans la connaissance scientifique de la mycologie et l’identification des familles de champignons. Il a en main le Guide des champignons en France et en Europe de Guillaume Eyssartier et Pierre Roux édité chez Belin. C’est la bible pour utiliser les clés de détermination des différentes espèces de champignons à partir des odeurs, du goût et des caractères morphologiques.

Pour effectuer une cueillette utile il préconise de collecter l’intégralité du champignon pour ne pas se priver des caractères utiles. On peut toucher les champignons sans risque pour la santé. Seule l’ingestion peut se révéler dangereuse. Il faut aussi se servir du nez pour les champignons frais. Eviter les coups de pied qui brutalisent ainsi que le piétinement du mycélium. Il suffit de détacher le champignon du sol à la main ou avec un couteau. Il évoque une expérience effectuée sur 30 ans dans un champ partagé en deux parties : sur l’une on cueille tout, sur l’autre on ne cueille rien. La cueillette n’a pas compromis la repousse de la première partie bien au contraire. Seul le tassement est dangereux.

Il conseille également de ramasser des champignons à différents stades de développement et d’observer la couleur des spores notamment sur les individus les plus âgés. Différents individus à des degrés de maturation différents permettent de préciser la détermination. Sur ce point, la période hivernale est intéressante car il y a moins de cueilleurs.

Aujourd’hui on constate un déficit de connaissances par rapport aux générations passées lié sans doute à une déconnexion de la population, de plus en plus urbanisée, avec la nature. De surcroît l’enseignement de la mycologie est assuré que dans une faculté de pharmacie sur deux d’où un recours plus incertain au pharmacien exerçant en officine. On se contente de cueillir quelques espèces. On a ainsi perdu l’usage de 90 % des espèces pour n’en vendre qu’une dizaine. En 1904 on connaissait 104 espèces comestibles. Cela peut expliquer aussi les accidents de plus en plus nombreux. 

Les champignons vivent plusieurs milliers d’années. Certains champignons parasites, avec le mycélium dans le sol, peuvent dévorer des forêts entières. Ils vivent très vieux, quelques 2 000 ans. Certains se mettent en sommeil comme l’armillaire et d’autres comme la truffe déménagent en cas de gêne.

Après cette première présentation, Franck Richard nous invite à procéder à une cueillette pendant une vingtaine de minutes puis à se retrouver dans la clairière voisine pour bénéficier de la chaleur et de la lumière du soleil. Les participants s’égayent dans le petit bois à la recherche du précieux butin.

De retour dans la clairière, chaque cueilleur est invité à déposer sa récolte au sol où Franck Richard procède à un tri par types de quelques 40 espèces.  Il propose un atelier olfactif autour de sept catégories d’odeurs les plus fréquentes. Pour cela il demande aux participants de sentir quelques champignons en essayant de mettre des mots sur les senteurs et en faisant appel à notre bibliothèque mentale d’odeurs. Il procède du plus facile au plus difficile. Ainsi circulent le clitocybe odorant à l’odeur d’anis et bon comestible, l’amanite ovoïde à l’odeur d’iode, fréquent sur le bord des routes et consommé au 19ème siècle, à distinguer de Amanita proxima toxique. Le mycène pur, petit champignon violet, évoque la rave, le navet ou le radis noir.  Il est toxique. Il faut se méfier de la couleur pour faire un diagnostic. Le marasme à odeur de choux brûlé sent mauvais. Le Clitocybe gibba a une odeur d’amande.

Les spécialistes distinguent ainsi trois types d’odeurs : farineuse, ravanoïde et de rose. Mais attention il n’y a pas de règle sûre. Claire Atger, spécialiste du système racinaire, fait préciser qu’en matière de chimie organique il y a une grande diversité de composés pour identifier les champignons.

Franck Richard nous met en garde contre certaines espèces d’amanites qui peuvent être mortelles certaines après une longue incubation. On n’est pas malade immédiatement mais 7 à 8 heures plus tard. On ressent d’abord des frissons et des courbatures puis cela se calme et la deuxième crise est mortelle faute d’avoir vomi le champignon vénéneux. De plus en plus, le commerce de certains champignons est interdit pour des raisons de sécurité.

En France on dénombre quelques 12 000 espèces dont les trois quarts sont présentes dans la région méditerranéenne. L’antolome livide présent dans les chênaies est toxique. Idem pour le clitocybe.

C’est l’heure du goûter. Notre spécialiste propose de croquer dans les champignons… On sent quelques hésitations parmi les personnes présentes mais certaines n’hésitent pas à croquer un petit morceau pour sentir le goût puis à le recracher… on ne sait jamais ! Le Lactarius evosmus ou lactaire à odeur de pomme a comme son nom vernaculaire l’indique une odeur de pomme. Séché et réduit en poudre il devient un condiment pour relever les potages. Il peut être extrêmement amer. Le goût sert dans les clés de détermination des espèces de champignons.

On passe aux caractères morphologiques. Pour cela il faut gratouiller. Pour les bolets on gratte le pied pour chercher le bleuissement. Dans la famille des champignons de Paris, se méfier de Agaricus xanthodermus qui est toxique. On le reconnaît car en froissant la chair il jaunit. Les bons sentent l’anis, les mauvais le phénol !

Il faut apprendre à regarder les détails :

  • les petits bolets, on les retourne, sous le chapeau on voit des tubes avec de la mousse,
  • d’autres champignons ont des lamelles ou des aiguillons : familles des hydnes et des agarics.
  • d’autres en forme de poire ont besoin des animaux pour disperser leurs spores.

La chair peut être fibreuse (le pied) comme pour l’amanite ou grenue pour le lactaire. On parle de la famille des Russulaceae pour la chair grenue. Ce ne sont pas de grands toxiques. Ce sont même d’excellents champignons sans compétiteurs car méconnus aujourd’hui. Il faut regarder la couleur des lames qui vire du blanc au noir avec l’âge.

L’amanite possède quelques 100 millions de spores mais rencontre des difficultés pour se reproduire. Comme les autres champignons, elle présente deux types de formes sexuées. Quand les mycéliums des deux formes se rencontrent, elles fusionnent et forment un couple inséparable et platonique, on note une absence de senescence du mycélium. Après fusion seulement, le mycélium peut former une fructification (le champignon). Si le mycélium d’une forme sexuée ne rencontre pas l’autre forme, le mycélium meurt au bout de quelques jours.

Chez la truffe, au contraire le mycélium d’une forme sexuée se développe fortement même s’il ne rencontre pas l’autre forme sexuée. Quand il rencontre l’autre forme, il l’incorpore a son mycélium. La truffe a la vie d’une baudroie des grandes profondeurs. 

L’après-midi se poursuit dans la salle des Rastincles vers 17h 15. On passe de la pratique à la théorie pour retenir quelques principes fondamentaux dans la connaissance des champignons.

Franck Richard reprend les différentes catégories :  bolets (une centaine d’espèces),  hydnes (5 espèces) et agarics. Il faut regarder sous le chapeau et examiner la chair qui peut être fibreuse ou grenue (famille des Russulaceaavec en déclinaison les genres Russula et Lactarius).

Pour les bolets, on regarde la réaction à l’oxydation. La chair peut être immuable ou changer de couleur. On fait le test systématique : on gratouille partout. Se méfier du bolet satan qui est toxique.

Le pied creux du Gyroporus (compressible au toucher) se décline en deux espèces castaneus non comestible et cyanescens -comestible-.

Les champignons s’associent aux arbres (mycorhization): l’amanite panthère fréquente tous les arbres alors que d’autres champignons sont liés à un seul type d’arbre comme le mélèze. Ainsi les arbres constituent des collectifs d’échange.

Circule dans la salle un bolet à mycelium rose. C’est le Suillus collinitus.

Encore quelques conseils pour les cueilleurs : 

  • couper les pieds proprement au couteau pour permettre la repousse,
  • manger les champignons dans les 2/3 jours suivant la cueillette,
  • ne pas faire sécher les girolles car on ne peut plus les réhydrater,
  • sous les chênes verts, on ne ramasse pas les meilleures girolles.

Du côté des agarics, il faut regarder la couleur des lames. On distingue :

  • les lames décurrentes,
  • les lames libres
  • les lames échancrées,
  • les lames adnées.

On fait circuler le Lactarius atlanticus puis un second appelé le pied bleu qui est comestible.

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Pour conclure cet après-midi découverte in situ et en salle, Franck Richard nous recommande quelques ouvrages scientifiques pour nous aider à identifier les champignons à partir des clés de détermination :

– Guide des champignons en France et en Europe de Guillaume Eyssartier et Pierre Roux édité chez Belin.

https://www.belin-editeur.com/guide-des-champignons-france-et-europe-4e-edition

– Champignons de France par Marcel Bon, appelé communément « Le Petit Bon » avec des aquarelles édité chez Flammarion.

https://editions.flammarion.com/champignons-de-france-et-deurope-occidentale/9782081288218

– Les champignons de France et d’Europe de Régis Courtecuisse chez Delachaux Niestlé.

https://www.delachauxetniestle.com/livre/champignons-de-france-et-deurope-2

Nous remercions chaleureusement Franck Richard pour ses explications très claires à l’attention des cueilleurs de champignons et des curieux en général.

Il existe aussi un site de description des champignons en ligne : https://www.mycodb.fr/

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Pour les cadeaux de Noël, Yves Caraglio recommande l’achat de l’ouvrage suivant  en deux volumes : https://leclub-biotope.com/fr/librairie-naturaliste/1358-les-champignons-deurope-temperee-2-volumes

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Régine Paris avec la relecture précieuse d’Yves Caraglio
Reportage photos : Patrick Paris