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Conférence géologie

Changements climatiques – Extinctions
Ce que nous enseigne la géologie

Samedi 2 décembre 2023 avec Dominique Gayte

En parallèle à la COP 28 qui se tient à Dubaï aux Émirats arabes unis -coïncidence des calendriers-, l’association A.R.B.R.E a réuni une cinquantaine de personnes pour évoquer les changements climatiques et l’extinction d’espèces sous l’angle de la géologie.
Cette conférence fait suite à deux sorties sur le terrain conduites par Dominique Gayte.

A l’aide d’un diaporama il nous présente les grandes évolutions du climat et des espèces végétales et animales de – 4 milliards d’années à nos jours.
Il débute son propos avec une mise en perspective de l’apparition des différentes formes de vie sur la terre :

  • Dès 4 milliards d’années, apparition de la vie,
  • Il y a 2 milliards d’années, apparition de l’oxygène et des Eucaryotes,
  • 600 millions d’années : explosion cambrienne,
  • 500 millions d’années :  les vertébrés,
  • 400 millions d’années : sortie de l’eau,
  • 200 millions d’années : les mammifères
  • 160 millions d’années : les oiseaux
  • 2,5 millions d’années (?) : genre homo
  • Neandertal : 500 000 (?) 
  • Homosapiens :300 000 (?)

Une charte chrono stratigraphique a été élaborée à partir de la découverte des fossiles.

Une des premières choses que les géologues anciens ont découvert c’est qu’il y avait des renouvellements de faune/flore. Ils en ont déduit un découpage des temps géologiques. 

A partir de la bio stratigraphie (chronologie relative) on a élaboré des ères : primaire (le trilobite), secondaire (les dinosaures), tertiaire et quaternaire (espèce humaine), qui ont changé  de noms : paléozoïque, mésozoïque, cénozoïque (tertiaire et quaternaire)… et en bout de chaîne ce que nous appelons l’anthropocène (impact significatif de l’homme sur la planète que l’on peut faire remonter au néolithique avec les brûlis qui transformaient l’environnement).

Parallèlement, le climat a évolué tout au long de la vie de notre planète . C’est ainsi que les anciens géologues se sont rendu compte que les collines de Lyon (Fourvière et la Croix Rousse) sont d’anciennes moraines (amas de débris rocheux poussés par les glaciers).  Il y avait donc des glaciers à Lyon, il n’y a pas si longtemps que cela (Riss : entre -300 000 et -130 000 ans ). 

Près de Beaulieu, à l’Eocène (40 Ma), on retrouve une faune de pays chaud (tropical) : crocodiles, ancêtres des hippopotames… La dérive des continents peut expliquer une partie de ces évolutions de température, mais pas tout ! Surtout que ces conditions se retrouvent parfois sur tout le globe.

On distingue cinq grandes extinctions La sixième est en cours. 

Mais il y a eu aussi beaucoup de « petites » crises. On parle également de crise écologique ou biologique. Dans tous les cas, on constate des durées relativement brèves, une répartition géographique mondiale et une importante chute de la biodiversité. Le bilan est à nuancer car nous n’avons qu’une vision parcellaire essentiellement liée aux fossiles. Or, il est difficile de retrouver des fossiles de champignons par exemple alors qu’ils sont constitués de beaucoup d’eau… 

On notera dès maintenant une grande dépendance entre l’extinction d’espèces et les changements climatiques.

Au début, si on remonte le temps (vertigineux chez les géologues…), la terre peut être vue comme une grosse boule de lave (– 4,6 milliards d’années) puis il y eut un énorme impact avec Théia, de la taille de la moitié de la Terre (60 millions d’années après le début). De cette collision est née la lune et peut-être les saisons à cause de l’inclinaison de la terre. Sur une période comprise entre 3,8 et 4 milliards d’années, la terre se refroidit, une croûte se forme, des bombardements intenses de météorites ont lieu.  Assez vite on aura l’apparition de la vie (- 3,8 à – 4 milliards d’années ?).Il y a un peu plus de 2 milliards d’années la terre a été recouverte d’une grande couche de glace. On l’appelle « terre boule de neige » et un fort albédo (le pouvoir réfléchissant d’une surface) augmente le refroidissement.

Les gaz à effet de serre

Avec beaucoup de CO2 dans l’atmosphère on aurait dû avoir un effet de serre énorme mais le soleil n’était pas à pleine puissance (environ 70%). La vie autour de – 4 milliards d’années concernait des organismes unicellulaires qui absorbaient de l’oxygène et rejetaient du méthane. Ce gaz à effet de serre sont 25 fois plus puissants que le CO2. Les températures auraient dû exploser. Il y eut semble-t-il un brouillard d’hydrocarbures (du méthane) qui a assuré une protection. De fait il n’y a pas qu’une cause et qu’une conséquence. Il y a un peu plus de 2 milliards d’années, une énorme glaciation transforme la terre en une énorme boule de neige. Grace à la prolifération d’une nouvelle catégorie d’organismes utilisant la photosynthèse, l’oxygène apparaît. Cet oxygène est un poison pour les premières formes de vie.
C’est probablement la première extinction mais qui reste ignorée.
Il y a 750 millions d’années, la concentration atmosphérique de gaz à effet de serre baisse à tel point que la Terre a perdu environ 50 °C de température moyenne. La cause en est probablement : l’érosion… Les sédiments sont des puits à carbone qui captent le CO2. Plusieurs épisodes ont eu lieu jusqu’à – 600 millions d’années environ et on en est sorti grâce au volcanisme qui a rejeté du CO2…

On voit donc l’importance des gaz à effet de serre – CO2 – Méthane. 

Pendant toute cette phase de glaciation, la vie a continué sous forme d’abord d’organismes unicellulaires (bactéries, stromatolithes) puis des premiers organismes multicellulaires (algues rouges, gabaonites, éponges). A la fin de la glaciation du Cryogénien on note une explosion de la vie multicellulaire : faune d’Ediacara (du nom d’un site en Australie) il y a 630 millions d’années. 

Il y a un peu plus de 500 millions d’années, extinction massive de la faune d’Ediacara et nouvelle explosion de vie ! Apparition de la plupart des embranchements actuels. Certains parlent de big bang zoologique. Une des causes pourrait être l’augmentation de la quantité d’oxygène dans l’eau.

Une nouvelle extinction appelée « Ordovicien-Silurien » il y a 445 millions d’années liée à une importante glaciation et à une grande phase de volcanisme  85 % des espèces ont disparu , recul de la mer sur des centaines de km détruisant les écosystèmes. Deux théories : à l’Ordovicien, colonisation de la terre ferme par les plantes non vasculaires dépourvues de racines, de tiges et de feuilles), altération des sols (silicate) qui a fixé le CO2 donc réduction de l’effet de serre et diminution drastique de la température. La seconde théorie met en avant l’abondance d’algues vertes qui ont piégé le CO2.

Extinction de la fin du Dévonien vers – 370 millions d’années, disparition de 75 % des espèces, surtout littorales, en 20 millions d’années (!) Variations répétées du niveau de la mer et du climat entraînant plusieurs extinctions successives. Apparition des plantes vasculaires (arbres) sur la terre ferme, génération des sols, altération des sols, lessivage de ces sols, matière organique entraînée dans les océans, en mer diminution de l’oxygène et fixation du CO2 (récifs, dépôts de sédiments calcaires). Et aussi volcanisme important, astéroïde…

Extinction du Permo-Trias il y a 252 millions d’années. 95 % des espèces marines et 70 % des vertébrés terrestres ont disparu ! Mais aussi disparition massive des plantes. Ce qui en fait la plus grande extinction identifiée. Ont notamment survécu les ancêtres des dinosaures, des crocodiles et des mammifères. Les causes sont encore troubles mais il y aurait plusieurs hypothèses : l’activité volcanique, le sulfure d’hydrogène (H2S), l’existence d’un continent unique : la Pangée, l’extrême accroissement de la température (50 à 60 °C sur les continents et proche de 40 °C à la surface des océans + d’importants dépôts d’évaporites (par exemple les mines de sels des Alpes : Hallstatt exploitée au Néolithique). 

L’immense activité volcanique durant 1 million d’années a donné les trapps de Sibérie – 2 millions de km² recouverts actuellement, probablement 7 millions à l’époque (en comparaison de la superficie de la France de l’ordre de 550 000 km² et 10 millions de km² pour l’Europe), et jusqu’à 4 km d’épaisseur ▪ Libération de CO2 dans l’atmosphère. 

Le sulfure d’hydrogène – le gaz qui sent mauvais (œuf pourri) et qui est toxique- aurait été massivement libéré dans l’atmosphère suite au réchauffement ; Il est aussi impliqué dans la destruction de la couche d’ozone avec des conséquences néfastes pour les espèces. 

La Pangée :  super continent ayant regroupé quasiment toutes les terres émergées.  Il a donc limité les surfaces de contact terre/mer propices à la vie. Il y a probablement eu de grands bouleversements au niveau des courants marins et aériens qui ont profondément modifié le climat et donc la vie. 

Extinction Crétacé-Paléogène (ou crétacé–tertiaire) il y a 66 millions d’années, la plus proche de nous, donc la mieux connue. Elle a été immortalisée par de nombreux films sur l’extinction des dinosaures (!). Elle a permis notamment l’expansion des mammifères. Deux causes majeures sont évoquées : l’impact d’une météorite avec des traces d’iridium et le volcanisme. Les deux ont contribué à cette extinction massive.

La météorite de Chicxulub au large de la péninsule du Yucatan (Mexique) a laissé un cratère d’impact. L’astéroïde aurait eu une taille de 10 à 80 km de diamètre. On a retrouvé les couches qui illustrent cet évènement dans le Dakota du nord (Tanis) : trace d’un tsunami, mélange d’animaux d’eau douce et marins, dinosaures dans la couche -pas au-dessus-, poissons avec des tectites (billes de verre) dans les branchies. Cet évènement a créé un hiver nucléaire avec la diminution de la lumière solaire, la disparition de nombreuses plantes et de la chaîne alimentaire au-dessus. Le froid aurait éliminé les animaux à sang froid.

Trapps du Deccan formés à la suite d’importantes coulées de lave de plus de 2 000 m d’épaisseur sur 1,5 à 2 million de km², entre 30 000 ans et 1 million d’années,  à l’époque où la plaque Indienne, qui avait quitté le sud de l’Afrique, se trouvait au niveau de la Réunion actuelle.

Les évolutions récentes du climat 
Nous avons des données plus précises avec les carottes glaciaires russes. Le climat évolue régulièrement avec une alternance de phases de glaciation et de réchauffement. Les causes seraient à trouver notamment dans les relations soleil/ terre :

  • Excentricité de l’orbite terrestre (période de 100 000 ans)
  • Oscillation de l’axe de rotation propre de la Terre (inclinaison de l’Écliptique) (40 000 ans)
  • Précessions (axe des équinoxes) (25 000 ans)
  • Cycles d’activité du soleil (11 ans).

Actuellement nous connaissons une phase de réchauffement stable que montrent les courbes Epica et Vostok. Le taux de CO2 a un impact direct sur l’accroissement de la température. Cet accroissement colossal est lié à l’activité humaine.

Et encore plus récemment 

  • Petit âge glaciaire (PAG), période climatique froide qui a touché l’ensemble du globe. 
  • En 1693 et 1694, près de 1,7 millions de Français meurent, autant que durant la Première guerre mondiale. 
  • Retraite de Russie de Napoléon, 1812…

Le Gulf Stream
C’est un courant océanique qui remonte les eaux chaudes des tropiques. Il est responsable d’une relative douceur des côtes bretonnes. Le Gulf Stream peut-il s’arrêter ? Un arrêt a eu lieu en – 6 200 à la suite du déversement d’une énorme quantité d’eau douce dans l’Atlantique nord (lac Agassiz). Cela aurait engendré une baisse de température de 5 °C en Europe pour plusieurs siècles.

Et les extinctions récentes…
Les extinctions ont continué durant le tertiaire et le quaternaire. Les plus récentes sont celles de la mégafaune du Pléistocène. En Eurasie avant la fin de la dernière grande glaciation, on avait une faune de « gros » animaux – Mammouth, ours des cavernes, lion des cavernes, paresseux géant… qui disparait il y a une dizaine de milliers d’années.

Conclusions
La géologie nous enseigne que le climat n’a cessé de varier, entraînant des catastrophes au niveau de la vie. Mais le climat est aussi le moteur des apparitions de nouvelles formes de vie.
Le climat évolue notamment sous l’influence des gaz à effet de serre (volcanisme – vie – et l’Homme a un impact notable sur l’augmentation de leur concentration-). 
La vie dépend aussi de conditions extra-climatiques (composition chimique du milieu, le soleil, la couche d’ozone, la réduction des écosystèmes (et l’Homme a un impact notable sur la réduction de certains écosystèmes).
L’homme est-il en danger ? Non, il est assez résilient pour survivre. C’est sans doute notre civilisation qui est menacée. Pour le géologue la boucle de rétroaction fera qu’il y aura moins d’humains donc moins de gaz à effet de serre et une baisse de la température.
Il existe une étroite interdépendance entre la vie et le climat. 
La planète a connu des évènements catastrophiques, mais la vie a toujours pris le dessus. Sans ces évènements, nous ne serions probablement pas là.

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Synthèse de Régine Paris à partir du diaporama de Dominique Gayte.

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Regards Croisés 2023

Samedi 15 avril à 18 heures 
Salle de l’Esplanade du Pic Saint-Loup – Beaulieu (34160)

Vous avez dit Nature ?

Les écosystèmes – Science et Philosophie

La 11e édition des Regards croisés de l’association A.R.B.R.E a réuni une soixante de personnes dans la salle de l’esplanade du Pic Saint-Loup à Beaulieu autour d’un thème qui est la continuation de ce qui avait été abordé l’an dernier : L’humanité face au déclin de la biodiversité.

Deux conférenciers, un philosophe, Pierre Plumerey, et un scientifique, Fabien Anthelme, ont abordé chacun dans leur discipline une approche de la Nature et des écosystèmes. Le public a pu ensuite prendre la parole pour des échanges directs avec les intervenants.

La soirée a débuté avec la présentation par deux élèves du cours préparatoire d’Isabelle Vaxelaire de l’école primaire de Beaulieu des travaux réalisés dans le cadre scolaire qui font suite à trois jours de sorties nature. Les deux fillettes sont assistées par Catherine Fels, en charge des relations avec les écoles, et par Yves Caraglio, le référent scientifique d’A.R.B.R.E.

Chaque fillette prend la parole pour présenter des dessins d’arbustes, de feuilles, de troncs et de racines. Les arbres peuvent avoir différentes formes en fonction de leur tronc, des branches, des feuilles et des écorces. Les troncs peuvent êtres courts et s’arrêter là où commencent les branches ou être très allongés et avoir des branches tout le long.

Lors de la deuxième sortie, les élèves ont pu observer différentes feuilles palmées, découpées, dentées, sous la forme d’aiguilles et distinguer les arbres à feuilles caduques qui perdent leurs feuilles en automne et en hiver, des arbres à feuilles persistantes qui conservent leurs feuilles.

Après cette introduction rafraîchissante, Pierre Plumerey prend la parole pour s’interroger sur le concept de « Nature ». La question posée indique pour le moins que l’idée de « nature » ne va plus de soi. Certains parlent même de « mort de la nature ». Cela peut se dire en trois sens : – les plus catastrophistes disent que la nature est en train de mourir tant elle subit les assauts destructeurs de notre société productiviste et consumériste. – notre monde est totalement artificialisé. Il n’y a plus rien de naturel. – la vieille idée de nature a fait son temps. Le concept est vide. D’autres concepts plus pertinents sont nécessaires comme ceux d’écologie, d’environnement, de développement durable. Tout le monde semble encore s’accorder pour dire que l’écologie s’occupe de la nature, sauf peut-être les écologues qui étudient des écosystèmes plutôt que la nature. Alors faut-il et peut-on encore recourir à cette notion ou idée ou concept ? 

1 – La nature est-elle morte ?

1.1. Qu’entendons-nous par « nature » ?

1 – Pourquoi aimons-nous nous promener dans la nature ? 

  • Le mot nature vient de « nasci » en latin et signifie « naître ».Il désigne donc un état originel, premier, qui n’a pas été touché et qui est resté tel qu’il est apparu. Se promener dans la nature c’est avoir l’impression de retrouver cet état. Cela permet de se ressourcer, renaître. D’où aussi l’idée de préserver, protéger cette nature.
  • Mais n’est-ce pas une illusion ? Qu’y a-t-il encore de naturel ? Voir aussi l’ambiguïté de l’idée de réserves naturelles. Se référer au concept de « wilderness ».

2 – « Ça pousse tout seul »

La nature est définie comme un principe de mouvement et de repos autonome. Le mot contient alors le sens du mot grec « phusis » et contient l’idée de croissance, de production, d’épanouissement, d’éclosion. La nature n’a pas besoin d’une intervention extérieure. Elle peut ainsi apparaître comme principe de vie. Deux idées apparaissent ici : – la nature est autonome – l’idée d’une inépuisable prodigalité. La nature est ressource. 

3 – « La nature est bien faite » ; « la nature fait bien les choses »

Elle désigne l’ensemble de ce qui est (parfois synonyme de cosmos, univers, monde), ou la somme des êtres qui présentent un ordre et sont soumis à des lois. (Pythagore, Galilée…).

La modernité depuis le 16e siècle a un double héritage :

  • La conception d’une nature ordonnée, la place privilégiée de l’homme dans l’ordre de la création.
  • L’homme n’est pas un être comme les autres ; il a une origine surnaturelle dont il « tire le droit et la mission d’administrer la terre » (Descola,p.129) .

4 – « C’est dans ta nature »
La nature humaine. Le mot sert à défini ce qu’est un être.
L’homme défini comme être de raison et libre. 
1.2. Tous ces éléments conduisent à définir ce que Descola résume dans le mot « naturalisme ». La nature est donc définie comme une réalité séparée dont l’homme dispose à son gré jusqu’à « se rende comme maitre et possesseur » (Descartes) Descola demande d’arrêter de voir les choses selon notre modèle mettant la culture et la société d’un côté et la nature et l’environnement de l’autre, « le point important, c’est l’idée d’une interdépendance ente nature et culture, entre humains et non-humains. »

1.3. Que valent encore les grandes distinctions par lesquelles nous nous distinguons de la nature ? – nature/culture – nature/technique, naturel/artificiel – nature/société – nature/histoire – nature humaine/ non-humain. Critique de M. Merleau-Ponty : « tout est fabriqué et tout est naturel chez l’homme ». Exemple l’expression de la colère par un japonais. Critique de Bruno Latour : tout est « nature/culture ». Ex. le climat qui comportent bien des explications physiques dites naturelles mais est aussi lié à l’activité humaine.

1.4. On peut continuer à parler de nature « en y voyant un ensemble de relations dans lesquels les hommes sont inclus, un enchevêtrement de processus ». ( Dans Penser et agir avec la nature, Catherine et Raphaël Larrère, p.11)

2 – L’écologie a-t-elle effacé la nature ? 

2.1. Que recouvre le mot « écologie » ?

  • Il y a l’écologie des écologues. Elle est alors une science.
  • Il y a l’écologie des défenseurs de la nature. (cf définition partie 1)
  • Il y a l’écologie des défenseurs de l’environnement avec des concepts d’aménagement, de gestion. En 1971, création d’un ministère de la nature et de l’environnement. Le mot nature disparaît très vite pour laisser place à l’environnement associée souvent à l’équipement. A partir de 2002, la question environnementale disparaît des attributions ministérielles au profit du concept de « développement durable ».
  • Il y a l’écologie concrète qui désigne une manière de vivre et de consommer. Elle se développe dans des mouvements d’expérimentation sociale.
  • Il y a l’écologie politique. Création de partis écologistes mais aussi de nombreux mouvements d’action comme le mouvement antinucléaire ou, aujourd’hui, les soulèvements de la terre.

2.2. Est-ce de la nature que s’occupe l’écologie scientifique ?
Qu’est-ce que l’écologie comme science ? En 1866, Ernest Haekel (1834-1919) : « la science des relations des organismes avec le monde environnant, auquel nous pouvons rattacher toutes les conditions d’existence au sens large. »
Les concepts de milieu, de vivant, de systèmes de relations sont des concepts de base de l’écologie. Importance centrale du concept d’écosystème. 
L’écologie correspond à un nouveau paradigme i.e. un nouveau cadre, modèle d’explication et de connaissance du réel. 
Edgar Morin le caractérise par le concept de « complexité ». 

Conclusion : Ce n’est donc pas « la nature » qu’étudie l’écologie, cette notion ou idée est bien trop générale et ne manque pas d’ambiguïtés. D’ailleurs, l’expression « produits bio » se substitue peu à peu à celle de « produits naturels ». 

2.3. L’écologie environnementale.
L’objectif est de définir un cadre de vie, un monde habitable et vivable.
On peut relever ici deux problèmes :

  • Le mot environnement reste anthropocentrique ; l’homme au centre et face à ce qui l’entoure ;
  • Cet environnement est à aménager pour répondre aux exigences humaines. Dans ce contexte apparaît un nouveau concept qui s’impose : le développement durable. Continuez à développer des politiques de croissance, de production et de consommation mais avec une meilleure connaissance des écosystèmes pour en assurer la permanence.

Conclusion 
L’écologie de l’environnement, dans un contexte politico-économique de développement durable, reconduit les rapports que les hommes entretenaient avec la nature même si ce mot s’éclipse de plus en plus. Il y a ainsi deux attitudes qui ne sont que les deux faces d’une même réalité : 

  • Il y a un rapport de domination et de maîtrise. Tout s’ordonne autour de l’homme et ses exigences spécifiques. L’homme face à son environnement.
  • Il y a un rapport de protection et de préservation. De maitre et possesseur de la nature nous sommes devenus maître et protecteur c’est-à-dire gestionnaire.

Ces deux attitudes ne sont pas antinomiques. Il peut s’agir de protéger et de préserver pour mieux exploiter avec une confiance totale dans la puissance techno-scientifique. 
Mais la crise climatique ne révèle-t-elle pas les impasses d’une telle attitude ? De nouveaux concepts émergent aujourd’hui.

3 – Où pouvons-nous atterrir ? 

3.1. L’anthropocène. – Ce concept répond à la question :
Quel est l’impact de l’activité humaine sur son environnement au sens large à l’échelle de la planète terre. Le terme a pris le sens actuel avec Paul Joseph Crutzen (1933-2021) ; il désigne l’entrée dans une nouvelle ère géologique dans laquelle l’activité humaine modifie l’environnement à l’échelle planétaire et met en danger la stabilité actuelle du « système terre ».

3.2. L’ère de l’anthropocène définit une nouvelle condition terrestre et nous pose 4 questions

  • Avons-nous les moyens, les connaissances pour évaluer les risques ? Comment faire face aux incertitudes nouvelles ? Si la techno-science exerce une maîtrise, parvient-elle à maîtriser sa maîtrise ? Nous flottons dans l’incertitude sur ce que nous pouvons et sur ce qui advient. Les risques pris sont à quels prix ? Suffit-il d’inscrire un principe de précaution dans la constitution (en 2005) ?
  • N’avons-nous pas à répondre de ce qui nous arrive ? Comment appliquer le principe de responsabilité formulé par le philosophe Hans Jonas (19031993) : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre. »
  • Comment éviter les « tyrannies bienveillantes » ?
  • Que pouvons-nous faire ?
    – Continuez à faire ce que nous faisons mais dans une perspective de développement durable. Quel sens donner au nouveau concept de « transition écologique » ?
    – Fuir. Dénier la réalité des problèmes. Créer de nouvelles communautés humaines sur une autre planète ? Fabriquer une nouvelle espèce « d’être humain » qui s’adapte aux nouvelles conditions ?
    – Atterrir sur terre et vivre en terrestre. Voir Bruno Latour (1947-2022) Nous avons encore le temps, malgré l’urgence, de devenir des terrestres.

3.3. Qu’est-ce que vivre en terrestre ?
Nous ne sommes ni « dans », ni « devant », ni « sur », ni « face » à la terre, la nature, le monde. Toutes ces prépositions contiennent l’idée d’un humain séparé, éloigné de ce qui n’est pas humain, la terre, les autres êtres vivants, alors qu’il appartient à la terre, à la nature, au monde qu’il habite. Les organismes font leur environnement. Et en faisant leur environnement ils se font eux-mêmes. Cf. l’exemple des termites et leur termitière. Nous sommes la terre (B. Latour), nous sommes la nature (B. Morizot), nous sommes le monde (Jean-Luc Nancy).

Conclusion avec Baptiste Morizot
« Nous héritons d’une manière de voir le monde (l’ontologie naturaliste) qui établit une distinction entre d’un côté, le monde humain et politique, et de l’autre, la nature, vue comme un ensemble inerte qui ne serait régi que par des rapports de force. Cette séparation bute désormais sur un problème : les sciences ont montré que le monde vivant est complexe et régi par une infinité de types de relations. 

C’est tout l’espace des relations possibles entre nous et les autres vivants, le continent englouti qui sépare le monde moderne de la politique et celui de la « nature ». Son émergence repose sur un fait simple : nous avons besoin de l’action des autres vivants car ils façonnent l’habitabilité des milieux pour la vie. Nous en dépendons. La beauté du monde vivant, c’est que tout le monde vit glissé dans la vie des autres, et on ne sait jamais dans la vie de qui nous sommes glissés. Il y a donc là une possibilité politique passionnante : on ne peut pas choisir qui joue un rôle dans la chaîne des interdépendances, il faut composer des alliances avec tout le monde vivant. Libération 13 avril 2023. 

Le deuxième intervenant va compléter cette première conférence par un point de vue scientifique.                               Fabien Anthelme est écologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) de Montpellier. Son intervention combine des notions générales d’écologie – à travers des figures majeures de cette discipline – et des exemples en partie tirés de son expérience de chercheur dans les Andes tropicales. Il centre son propos sur les interactions entre espèces végétales et animales avec leur environnement comme fondement d’un monde vivant en interactions.

1 – Introduction par l’exemple

Le Puya de Raimondi est une plante de la famille de l’ananas (Broméliacées). Parmi ses particularités, elles se développe sur l’altiplano andin, à plus de 4000 m d’altitude. Malgré le froid, elle pousse pendant plusieurs décennies puis forme, une seule fois dans sa vie, des inflorescences géantes pouvant atteindre plus de 10 mètres, avant de mourir. Ces inflorescences sont visitées par un colibri géant.  Les activités humaines font que cette espèce est aujourd’hui en danger d’extinction.

C’est une espèce en danger d’extinction. L’homme fait-il partie de cet écosystème, de cette nature ?

2 – Alexander von Humboldt et la naissance de l’écologie

Lors de son voyage en Amérique latine au début du XVIIIème siècle, Humboldt visite des écosystèmes tropicaux riches en biodiversité et variés. En escaladant un volcan qui culmine à plus de 6000 m, le Chimborazo alors considéré comme le plus haut sommet de la planète, il observe le paysage qui s’offre à lui. Il réalise que les différents étages de végétation qui se succèdent à différentes altitudes sont liés aux variations du climat. Par exemple, les forêts de nuages sont remplacées à plus haute altitude par les forêts andines, qui laissent place à une végétation alpine localement appelée « paramo ». Il voit la nature comme un tout, ou le vivant et le non-vivant interagissent.  C’est une introduction à l’écologie, une vision globale ou « holiste ».

3 – Frederic Clements et les communautés végétales (1916)

En 1916, soit plus de 100 ans après le voyage de Humboldt, Frédéric Clements observe au Nebraska  des étage des végétation dans une région encore peu modelée par l’homme. Il décrit pour la première fois le concept de communauté végétale, soit des groupes d’espèces qui coexistent et interagissent pour créer de nouvelles conditions qui mènent à l’installation d’une autre communauté végétale. Le concept de succession végétale de Clements se base sur le fait que les plantes d’espèces différentes peuvent avoir des interactions positives entre elles : il s’agit de facilitation entre plantes, l’inversée de la compétition. Le concept de facilitation a été formalisé beaucoup plus tard, à la fin du vingtième siècle, notamment par Ragan Callaway qui montre que la facilitation est un moteur de la dynamique des écosystèmes. Parmi les exemples de plantes facilitatrices on trouve notamment les plantes en forme de coussin dans les régions alpines de haute altitude, puisqu’elles améliorent le micro-environnement pour l’installation d’autres plantes (températures plus élevées, plus de nutriments, plus d’humidité)

4Arthur Tansley et la définition d’écosystèmes (1935)

En se basant sur les travaux de Clements, il inclue les animaux dans le système : toutes les composantes de l’écosystème sont maintenant présentes (végétaux, animaux, autres organismes vivants, environnement physique). Tansley développe une idée novatrice à l’époque :  les écosystèmes sont non seulement le résultat de la succession végétale mais ils sont aussi régis par des évènements perturbants extérieurs (feux, crues, tempêtes, etc.).

Ces dix dernières années, beaucoup d’études ont montré qu’un écosystème stable peut se transformer à la suite de perturbations créées par l’homme :  il s’agit d’effets des changements globaux sur les écosystèmes. Parfois ces perturbations ont des effets irréversibles, on parle alors de transition catastrophique comme la dégradation des écosystèmes semi-arides surpâturées en Espagne. On ne revient pas à l’état ancien. Toutefois, les perturbations ont parfois des effets positifs sur la biodiversité. Par exemple, les feux en plaines africaines produisent des écosystèmes alternatifs fonctionnels et riches en biodiversité : c’est le cas de la savane. Des écosystèmes ont été façonnés par les dinosaures il y a plus de 65 millions d’années. Lorsque les dinosaures ont disparu, les gros fruits qu’ils mangeaient ont persisté.

Arthur Tansley considérait que l’homme fait partie de la nature.

Conclusion

On peut noter des interactions entre le philosophe et le scientifique. La philosophie se nourrit aussi de ce qui n’est pas d’elle.

Aujourd’hui on observe un dérèglement climatique. Qu’est-ce que ça veut dire ? Faut-il continuer à faire la distinction Nature/Culture ? Comment parler du climat ? On peut répondre par le concept de complexité.

Après quelques questions du public les échanges se poursuivent dans le cadre convivial du repas partagé avec ce chacun.e a apporté. La formule rencontre un certain succès qui permettra de la renouveler l’an prochain autour d’un nouveau thème.

La présidente de l’association A.R.B.R.E remercie les deux fillettes du cours préparatoire de l’école primaire de Beaulieu et les deux intervenants qui ont su capter l’attention d’un public curieux de mieux appréhender le concept de Nature.

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Régine Paris avec la relecture attentive des deux intervenants.

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Regards croisés 2023

11e édition – Samedi 15 avril

Vous avez dit Nature ?

Pour sa 11e édition de Regards Croisés l’A.R.B.R.E (Association Restinclières Beaulieu pour le Respect de l’Environnement) a choisi de programmer sa soirée « Regards Croisés » au printemps :

L’association a invité deux personnalités qui proposeront chacun leur regard de spécialiste sur les notions de nature, d’écosystème, d’environnement… :

  • Fabien Anthelme (Directeur de recherche à l’IRD).
  • Pierre Plumerey (Philosophe).

L’A.R.B.R.E propose régulièrement des activités dans les écoles en lien avec ce thème avec la participation de spécialistes comme les Ecologistes de l’Euzière. Une présentation des travaux réalisés par les élèves ouvrira la soirée.

La soirée débutera à 18 heures dans la salle municipale du Pic Saint-Loup à Beaulieu et se prolongera avec un repas partagé constitué de ce que chacun aura apporté. Entrée libre.

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Regards croisés 2022

Samedi 22 octobre 2022 à 18h – Salle du Pic Saint-Loup à Beaulieu (34160)

L’Humanité face au déclin de la biodiversité

La salle du Pic Saint-Loup, mise à disposition par la commune, accueille une cinquantaine de personnes.  

En introduction, Jacqueline Taillandier, présidente de l’association, rappelle brièvement l’historique, les objectifs et les activités poursuivis depuis dix ans par l’ARBRE : animations par des spécialistes dans les écoles des deux communes, sorties botaniques, géologiques, ornithologiques et batraciens, plantations d’espèces méditerranéennes dans les deux parcs botaniques à l’occasion des naissances, création d’un sentier botanique dans les carrières de Beaulieu, conférences-débats, déplacements doux. 

Yves Caraglio, botaniste et chercheur au CIRAD, référent scientifique de l’association, présente les deux intervenants de la soirée : Mickael HEDDE, Directeur de Recherche à l’INRAe[1] et Alix Cosquer, chercheuse du CNRS[2] au Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive de Montpellier.


Mickael Hedde a centré son propos sur la vie du sol à travers un diaporama disponible sur le site Internet d’ARBRE : Présentation de Mickael Hedde.pdf

Les premières images nous sensibilisent sur la notion de sol qui à première vue se présente comme une surface plate, uniforme et artificialisée. Quand on décape les premiers centimètres on découvre un volume complexe et très diversifié, organisé en horizon : dans 90 % des cas un sol c’est ça avec une formation sur des milliers d’années. Les deux photos suivantes montrent un ours blanc, un loup, un éléphant, un papillon… perçus par le plus grand nombre comme la biodiversité terrestre alors que dans 99,9 % elle est constituée d’algues, amibes, mille pattes, tardigrades, vers de terre, bactéries et champignons… Ainsi un quart des espèces vit dans le sol. Elles sont de tailles diverses, de la mégafaune à la microfaune.

A partir des années 1970 les scientifiques ont décrit les organismes du sol. Mais l’intervenant rappelle que Darwin à la fin du 18ème siècle passait plus de temps à observer les vers de terre qu’à construire sa théorie de l’évolution.

L’objectif était de repérer toutes les espèces de vers de terre. Au fil des années on en a dénombré une centaine dans la région de Montpellier mais seulement 22 en Guyane avant 2010 et 144 depuis ce qui fait un total de 166 espèces pour ce seul département ultramarin. Plus c’est petit, moins on connaît. Un graphique montre les espèces connues et les espèces probables à découvrir en fonction de la taille des organismes. 20 nouvelles espèces ont été décrites en France depuis 2019.


[1]    Institut National de la Recherche Agronomique et Ecologique[2]    Centre National de la Recherche Scientifique

Au début des années 1970, un chercheur montpelliérain, Marcel Boucher, a parcouru la France avec un camping-car pour faire des repérages de vers de terre qu’il notait sur une carte (1400 points au total). Ce serait intéressant de revenir sur ses pas pour voir ce qu’il en est cinquante ans plus tard. Les changements de pluviométrie en forêt ont des effets sur les vers de terre. Le climat a modifié leurs communautés qui doivent s’acclimater. Ainsi dans le Massif Central, entre 1972 et 2022 des espèces sont remontées en altitude. On constate aussi des invasions biologiques avec des espèces non indigènes.

A la suite des grandes glaciations anciennes, l’Amérique du Nord était dépourvue de vers de terre. Ils sont arrivés plus tard par les bateaux lestés avec du sol ce qui a entraîné des modifications au niveau des cultures et la volonté des américains, à la différence des européens, de tuer les vers de terre…

La biodiversité est menacée par le travail du sol et l’utilisation de pesticides qui modifient les réseaux trophiques des sols agricoles.

Avec l’urgence de l’anthropocène on continue à découvrir de nouvelles espèces de collemboles dans les névés des Pyrénées mais les névés vont disparaître…

Un dessin montre les facteurs d’appauvrissement des sols: changement d’affectation des terres, espèces envahissantes, perte de la biodiversité de surface, pratiques non durables de la gestion des sols, pollution, changement climatique, imperméabilisation des sols et urbanisation, feu sauvage, dégradation des sols.

Il est difficile de dire quand le système commence à s’écrouler. Il y a un capital à conserver pour ce que l’on connaît et ce que l’on ne connaît pas. Il faut repenser l’agriculture, faire un pas de côté, limiter les intrants et pour arrêter cette érosion, sensibiliser, plaider pour la biodiversité cachée, gérer durablement.

On peut consulter sur le diaporama des documents produits par la FAO[1] sur les causes d’appauvrissement des sols et les remèdes proposés ainsi qu’une vidéo.

En complément Mickael Hedde évoque une étude menée en Allemagne sur une durée de 50 à 70 ans concernant la perte des insectes (nombre et fonction). Aujourd’hui on a identifié environ 4 000 espèces de vers de terre connues. Il y en aurait 6 000 à 10 000. Pour cela on fait appel à la modélisation. Jusqu’ici on sacrifiait des animaux pour les identifier. On dispose aujourd’hui des méthodes moins invasives (scanners et signatures génétiques).


[1]    Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture

A la fin de ce premier exposé, Yves Caraglio assure l’intermède avec la seconde intervenante en observant que nous marchons sur le sol en ignorant sa composition alors que tout le système est peut-être en train de s’effondrer.


Alix Cosquer prend la parole pour parler des aspects humains et environnementaux suite aux bouleversements climatiques et de dégradation de la biodiversité. Son diaporama est également disponible sur le site Internet d’ARBRE : Présentation de Alix Cosquer.pdf

Elle propose de penser notre lien à la nature. Il va falloir changer nos manières de vivre avec des actions rapides et de grande envergure (cf. le rapport du GIEC[1] de juin 2021).

Elle déplore une forte inertie face aux enjeux environnementaux. Cette détérioration serait due à la diminution du contact avec la nature, un éloignement physique et psychique. Elle s’interroge sur les relations que nous entretenons avec le vivant compte tenu des transformations sociales (sédentarité, transports, urbanisation, multiplication des écrans…). La nature serait de moins en moins présente dans notre vie. Plus de la moitié de la population mondiale vit dans les villes et en France cette proportion atteint les trois quarts. L’expérience serait de plus en plus indirecte et procurerait moins d’émotion. Elle évoque une amnésie générationnelle environnementale.

Elle tempère son propos en constatant que les enjeux environnementaux sont mieux connus surtout par les jeunes. On a pu constater pendant l’épidémie de Covid un phénomène d’attrait maintenu pour la nature et l’émergence d’un mouvement de fond avec le désir pour une partie de la population de s’installer ailleurs que dans les villes.

Il faut aussi s’interroger sur les effets de la nature sur notre santé et le bien être humain. Des études très documentées ont émergé ces dix dernières années. On relève un grand nombre d’effets positifs :

  • un effet physiologique bienfaisant sur l’activité cérébrale, la diminution du stress et des troubles anxieux,
  • une amélioration de l’humeur, de l’attention, de la mémoire et de la créativité,
  • des bénéfices sociaux avec une baisse des inégalités sociales, de santé.

La sylvothérapie permet une expérience multisensorielle et une meilleure connaissance des arbres. 


Le public prend la parole.

En milieu scolaire il y a un réaménagement des cours d’école. Alix Cosquer a constaté que les enfants avaient des relations plus faciles avec les insectes qu’avec les végétaux.

Des auditeurs questionnent : Il faudrait peut-être commencer par s’interroger sur ce que c’est que la nature ? Fait-on partie de la nature ?  La nature parle à tout le monde mais il faudrait apprendre aux jeunes comment une graine pousse.

Les discussions se poursuivent autour d’un apéritif dînatoire offert par l’association.


[1]    Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat

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Régine Paris
avec la relecture d’Yves Caraglio

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Regards croisés 2022

Samedi 22 octobre 2022

L’humanité face au déclin de la biodiversité

L’Association Restinclière Beaulieu pour le Respect de l’Environnement vous propose la 10e édition de Regards croisés « L’humanité face au déclin de la biodiversité » dans le cadre de la thématique annuelle 2022 sur la Biodiversité.

Nous recevrons Mickaël Hedde, directeur de recherche en écologie des sols à l’Inrae dans l’Unité Mixte de Recherche Eco&Sols à Montpellier. Il est spécialisé dans la macrofaune du sol, de ses interactions avec d’autres organismes et sur les conséquences sur la vie du sol.

L’autre partie de la soirée consistera à confronter la perception de la biodiversité, sa perte et ses impacts sur notre quotidien. La présentation de la biodiversité du sol, une diversité cachée sera un thème privilégié pour ces échanges avec Alix Cosquer qui est chercheuse en psychologie environnementale et psychologie de la conservation au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE, CNRS), à Montpellier.  Elle est spécialiste des interactions entre individus et environnements naturels.

Le rendez-vous est donné le samedi 22 octobre à 18 h dans la salle municipale de l’esplanade du Pic Saint Loup à Beaulieu.

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Regards croisés 2021

🌳 SOIRÉE DÉBAT

Samedi 11 décembre 2021 à 18h – Salle du Pic Saint-Loup

La salle du Pic Saint-Loup mise à disposition par la commune est au maximum de son occupation avec un peu plus de 100 personnes accueillies pour fêter les 10 ans de l’association A.R.B.R.E (Association Restinclières Beaulieu pour le Respect de l’Environnement). 

En introduction, Jacqueline Taillandier, présidente de l’association, rappelle brièvement l’historique, les objectifs et les activités poursuivis depuis dix ans par l’ARBRE : animations par des spécialistes dans les écoles des deux communes, sorties botaniques, géologiques, ornithologiques et batraciens, plantations d’espèces méditerranéennes dans les deux parcs botaniques à l’occasion des naissances, création d’un sentier botanique dans les carrières de Beaulieu, conférences-débats, déplacements doux. 

Yves Caraglio, botaniste et chercheur au CIRAD, référent scientifique de l’association, présente les deux intervenants de la soirée : Francis Hallé,  professeur émérite de botanique à l’Université de Montpellier et Pierre Mirallès qui aura une approche littéraire, assistée d’Odile Sirlin, professeure agrégée de Sciences de la vie et de la terre (SVT) au lycée Georges Pompidou de Castelnau-le-Lez.

Francis Hallé prend la parole après avoir préparé quelques dessins sur un tableau à feuilles multiples. Il rappelle qu’il étudie depuis longtemps les arbres. Un arbre n’est pas un « individu ». On en parle parfois comme un « sujet ». On devrait dire tout simplement « un arbre ». Si les humains sont indivisibles, ce n’est pas le cas de l’arbre. On peut le couper en plusieurs morceaux, ses racines lui permettront de repartir. Ce n’est donc pas un individu.

Nous avons chacun un génome que l’on retrouve dans tous nos organes. Chez l’arbre il y a des milliers de génomes.

Un arbre « unitaire » c’est un tronc et des branches comme un sapin, un épicéa. L’arbre est très ancien. Les paléobotanistes connaissent bien les arbres et particulièrement les arbres unitaires. 

Un grand arbre est riche de plusieurs centaines de milliers de génomes différents[1].

Les racines ne sont pas que souterraines. Francis Hallé fait circuler un tronc porteur. Si on retire les tissus, on trouve des racines[2].

Dans nos régions on distingue le tronc des réitérations aériennes et souterraines qui forment des colonies. Le bois juvénile fragile recouvre le bois de cœur adulte.  On passe au stade « coloniaire ».

[2] Ce phénomène correspond au raccordement vasculaire et à la mise en place du bois, chez certaines espèces, quand une nouvelle tige se met en place sur une axe beaucoup plus âgé ce raccordement est très en relief.

[1] Des mutations somatiques se forment lors de la mise en place de nouvelles branches mais avec des taux très faibles, pour en savoir plus : https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.3000191


L’essentiel des arbres est fait de racines. Sur un grand chêne, les branches maîtresses constituent les troncs de réitération.

Francis Hallé a observé des choses pittoresques dans les arbres qu’il a étudiés. A titre d’exemples :

– Un petit arbre du Cameroun qui atteint 10 m de hauteur pousse à l’ombre. Des fleurs sortent du sol. Il s’agit d’inflorescences souterraines qui partent de la base du tronc. Il a été surpris par cette plante. Qui la pollinise ? Il n’a pas vu d’insectes. Et pourtant, il y avait des fruits jaunes et ronds.
– Un arbre « qui marche » et se déplace de 4 à 5 mètres par an : c’est le palétuvier. Une branche ou réitération devient autonome. Ça pousse d’un côté et ça meurt de l’autre côté. Ça part en étoile du pied d’origine qui ne bouge pas. Cela contredit l’idée qu’un arbre ne marche pas.

De même nous avons quantité d’herbes au sol et nous ignorons que leurs ancêtres étaient des arbres de la forêt tropicale. A titre d’exemples :

– la violette provient du Leonia,
– des graminées (avoine…) ont pour origine les bambous tropicaux,
– la pâquerette a pour cousin un arbre de 40 mètres de haut à Madagascar, exploité pour son bois,
– l’ortie urticante appartient à la famille du Mussanga ou du Cecropia. Il s’agit là d’arbres pionniers comme le parasolier. Les ancêtres tropicaux ne piquent pas. Ils sont creux et hébergent des fourmis type « aztéca », c’est pire que les poils urticants de l’ortie !

Fourmi du genre Azteca sortant de la tige du Cecropia

Ainsi les ancêtres des forêts tropicales se sont-ils acheminés vers le nord et le sud et se sont transformés en herbes. De nombreux exemples sont présentés par Francis Hallé montrant la tendance à la miniaturisation des organismes tempérés en regard des représentants tropicaux.

Dans la famille des Myosotis, les Boraginacées, on trouve de très grands arbres tropicaux comme les Cordia ou encore dans la famille de la garance, les Rubiacées, les Chimarrhis d’Amazonie forment des arbres immenses.

A gauche, jeune Cordia en croissance. A droite, Chimarrhis adulte.

A la question du public concernant la recommandation populaire de ne pas s’endormir à l’ombre d’un noyer, Francis Hallé parle d’obscurantisme qui peut parfois devenir la vérité mais pas dans le cas du noyer. [3]


[3] – Cet ombrage est, tout simplement, déconseillé à cause d’un produit toxique qui émane des feuilles (surtout après la pluie ou quand il fait fort humide) ; la juglandone, toxine fabriquée par les feuilles et les racines de l’arbre, qui joue le rôle de désherbant au pied des noyers en inhibant la pousse des herbes peut être néfaste à la santé si l’exposition est trop longue.


Reprenant son propos sur les génomes, il indique que les fruits de l’arbre ont des génomes différents de la graine dont ils sont issus comme chez les humains[4]. Un arbre peut vivre longtemps, 43 000 ans et même 80 000 ans comme l’a démontré une découverte récente avec le clone d’un peuplier. Cela donne un brin d’optimisme.

En réponse à la question d’un auditeur sur l’entretien de la base d’un arbre, Francis Hallé recommande de « ne rien faire ». Il faut « foutre la paix » aux plantes. Labourer autour de l’arbre empêche le sol de se rafraîchir, modifie la vie biologique du sol et surtout sectionne les racines. Il reconnaît que c’est difficile pour l’homme de ne rien faire.

Il évoque ensuite le projet de création d’une forêt primaire dans le cadre d’une association qui s’est créée dans ce but. Les recherches d’un lieu se poursuivent après des approches dans les Vosges et les Ardennes françaises et belges.  Un déplacement dans les Pyrénées orientales est programmé. Pour le moment le choix n’est pas fait. Cela intéresse beaucoup de gens surtout les jeunes. La libre évolution doit favoriser la renaissance. Il ne faut rien faire. Cela est source parfois de conflits avec les chasseurs et certains forestiers qui n’ont pas les bases de l’écologie. 

A la question sur le délai nécessaire pour créer cette forêt primaire, il avance 6 à 7 siècles sans rien faire mais tout dépend de l’âge de la forêt. Les visites seront autorisées et même encouragées.

Il évoque une forêt primaire en Pologne, admirée dans le monde entier et qui est actuellement menacée par certaines décisions gouvernementales.

Concernant les dangers qui menacent les forêts en général, il indique que les forêts primaires ne craignent pas les incendies car les grands arbres attirent la pluie.

En réponse à une question sur Madère, il considère qu’on ne peut pas parler de forêts primaires dans cette île dépourvue de grands mammifères sauvages.

Le Regard croisé se poursuit avec l’intervention de Pierre Mirallès qui nous propose de passer des arbres réels aux arbres imaginaires des textes littéraires. Au départ de sa réflexion il y eut la recherche de textes évocateurs de paysages. L’arbre occupant une part importante de ses trouvailles, Yves Caraglio lui a proposé de nous faire profiter de son recueil de textes sur les arbres. Cinq extraits d’œuvres littéraires et une nouvelle seront lus par Odile Sirlin.

[4] C’est le principe général de la reproduction sexuée qui favorise le brassage des gènes. L’arbre a une variabilité qui lui permet de s’adapter au changement climatique, il régule son fonctionnement en fonction des conditions du milieu et de son aptitude génétique : c’est la plasticité phénotypique


L’intervenant rappelle la connivence naturelle de l’arbre avec le papier qui en est issu. Le mot latin «liber» désigne à la fois le livre et la partie de l’arbre qui guide la sève. On parle aussi de la feuille de l’arbre et de la feuille du livre.

Ce qui inspire les écrivains chez l’arbre c’est sa station debout/verticale qui le rend proche de l’homme et crée une empathie. Il peut projeter ses sentiments. 

L’arbre n’est pas une figure centrale de la littérature mais elle se rencontre assez souvent chez les écrivains de la fin du XIXème et du début du XXème siècle. Il joue le rôle d’un décor, d’une pièce accessoire d’une intrigue, d’un personnage principal ou secondaire. 

Pierre Mirallès nous propose une grille de lecture à partir de plusieurs oppositions et du passage du monde sensible/naturel au monde spirituel. L’arbre est ainsi à la fois, un morceau de nature et une figure de l’imagination ambivalente source de sentiments opposés. Il part de l’archétype hortus (le jardin) et sylva (la forêt). 

L’hortus = jardin, est la partie proche de la maison et répond à des besoins et à des désirs. Les arbres sont connus individuellement. C’est le côté maternel de l’arbre. Les écrivains parlent de « mère nature » avec son caractère nourricier (les fruits, champignons, œufs…). C’est un refuge pour les animaux et les humains, les enfants construisent des cabanes (cf. Le Baron perché d’Italo Calvino). Il a un aspect consolateur, c’est un ami, un confident.

Côté « sylva » = la forêt. Le mot évoque le monde sauvage dans lequel l’homme intervient épisodiquement. C’est une foule indifférenciée. L’arbre s’oppose à l’humain. Il peut être étrange, hostile, menaçant et même maléfique avec le passage du naturel au surnaturel. Il y a perte des repères habituels. La forêt c’est aussi le refuge des bêtes féroces -le loup par exemple (cf. Le Petit chaperon rouge et les fables de La Fontaine) –  et des humains peu recommandables (le charbonnier, la sorcière…) Elle peut se présenter comme une armée en campagne et la forêt a l’air de marcher (cf. Les écrivains anglo-saxons -Tolkien Le Seigneur des anneaux-, Macbeth de Shakespeare). L’arbre creux évoque les mondes surnaturels. Seuls le fer et le feu pourront le dominer. 

Depuis 30 ou 40 ans on assiste à un renversement : c’est la forêt qui est menacée par l’homme. Elle devient un espace de liberté, un poumon vert à proximité des grandes villes et répond au besoin de protection des activités humaines. Cf. Jean Giono L’Homme qui plantait des arbres.

On passe ensuite à la dimension spirituelle de l’arbre :

– Trait d’union entre la terre et le ciel symbolisé par le passage de la terre  (les racines) au ciel (le feuillage), le tronc reliant les deux. Cette image renvoie au sacré. On trouve beaucoup de textes poétiques qui utilisent la colonne d’un temple figurant le caractère sacré dans beaucoup de religions. On parle de l’arbre de vie/arbre de la connaissance dans la Genèse, de bois sacré…
– Sa robustesse synonyme de puissance renvoie à la  sagesse et à l’impartialité quelles que soient les circonstances : Louis IX (Saint-Louis) rendait la justice sous un chêne. Ce caractère l’oppose au nomadisme, à la violence. L’arbre est symbole de paix.

Pierre Mirallès prend la précaution de nuancer cet imaginaire qui est variable en fonction de l’époque, du lieu, de la culture. Ainsi dans les textes littéraires, les arbres jouent plusieurs rôles. C’est une approche polysémique qu’il nous propose. On retrouve les approches préférentielles suivantes :
– le cyprès : l’éternité, la permanence
– le sapin : la sacralité
– le chêne : la robustesse.

Il ne faut pas oublier la dimension esthétique des arbres : effets de lumière, chant des oiseaux, parfums qui produisent des effets sensibles et esthétiques.

Lecture par Odile Sirlin des cinq extraits suivants et d’une nouvelle intégrale :

– Les Sapins, extrait d’Alcools – 1913 – de Guillaume Apollinaire, précurseur des surréalistes.
– Un extrait du Petit traité sur l’immensité du monde (2005) de l’écrivain voyageur Sylvain Tesson. Un éloge du nomadisme.
– Un extrait de La Nausée (1938) de Jean-Paul Sartre (1905-1980).
Puis pour finir, la nouvelle intitulée « Visite à un arbre » est d’Erri de Luca, écrivain napolitain né en 1950, alpiniste chevronné et altermondialiste.

Les lectures terminées, Francis Hallé fait part de son sentiment : il ne s’agit pas d’arbres imaginaires mais bien d’arbres concrets. Il les connait.

Yves Caraglio a apprécié la dimension spirituelle : c’est quasiment la définition de l’arbre. Il aime le symbole des racines jusqu’au ciel qui marque la longévité.

A l’issue de ces deux interventions passionnantes, Francis Hallé a dédicacé avec gentillesse ses ouvrages en vente sur place grâce à un dépôt de la librairie Sauramps. Il a même orné quelques uns de ses livres avec un joli dessin.

Francis Hallé a dédicacé avec gentillesse ses ouvrages en vente sur place grâce à un dépôt de la librairie Sauramps.

Nous remercions chaleureusement tous les intervenants et les participants qui ont permis de fêter les 10 ans de l’A.R.B.R.E

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Régine Paris avec la relecture attentive d’Yves Caraglio pour la partie scientifique.

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