Origine des espèces végétales et de la biodiversité
Samedi 30 novembre 2024 à 18 heures Au domaine COSTE MOYNIER266 Mas de la Coste 34 400 Saint CHRISTOL – Entre-vignes
Samedi 30 novembre 2024, l’Association Restinclières Beaulieu pour le Respect de l’Environnement organisait une conférence sur le thème « De l’émergence des plantes sur les continents à celle des arbres et des forêts au Paléozoïque » Environ 70 personnes étaient présentes originaires de Beaulieu et des communes environnantes. Jacqueline Taillandier, Présidente d’A.R.B.R.E a rappelé les buts poursuivis par l’association créée en 2011 et reconnue d’intérêt général, notamment l’éducation à l’environnement des enfants des écoles des deux communes.
Jacqueline Taillandier
La Présidente remercie les deux conférencières de la soirée venues présenter un thème issu de leurs travaux de recherche à l’invitation d’Yves Caraglio, botaniste et chercheur au CIRAD, référent scientifique de l’association.
Brigitte Meyer-Berthaud : Paléobotaniste – CNRS, UMR AMAP* Depuis le début de sa carrière au CNRS, Brigitte Meyer-Berthaud a focalisé ses recherches sur divers aspects de l’évolution des plantes au Paléozoïque, la période pendant laquelle les plantes acquièrent bois, feuilles, racines et graines, et où deux grands groupes de plantes actuelles, les fougères et les gymnospermes, apparaissent et se diversifient.
Anne-Laure Decombeix : Paléobotaniste – CNRS, UMR AMAP* Chercheuse au CNRS affectée à l’UMR AMAP, elle travaille sur les plantes fossiles du Paléozoïque et du début du Mésozoïque afin de comprendre l’origine et l’évolution de ces groupes de plantes, clés de compréhension des végétaux actuels. Anne-Laure s’attache à reconstruire leur biologie au travers de l’étude des relations entre la systématique et la diversité fonctionnelle, et entre l’évolution des plantes et les bouleversements climatiques du passé.
*UMR AMAP lab : botAnique et Modélisation de l’Architecture des Plantes et des végétations, à Montpellier. Le programme de recherche d’AMAP recoupe plusieurs grands enjeux sociétaux et environnementaux actuels, tels que relayés par l’IPBES (https://www.ipbes.ne), le GIECC (https://www.ipcc.ch/) et les Objectifs du Développement Durable (https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/)
Les premiers arbres sont enregistrés dans des roches paléozoïques âgées de 385 millions d’années environ. Le syndrome arborescent, depuis son origine jusqu’à l’heure actuelle, combine des éléments de forme (un tronc vertical portant des éléments latéraux tels que feuilles et branches), de dimensions (hauteur, biomasse) et de durée de vie singuliers.
Brigitte Meyer-Berthaud
Si on enlève les feuilles qui sont des organes transitoires et qu’on se focalise sur le squelette, on peut considérer deux grands types chez les arbres actuels :
L’Arbre Poteau ou « arbre tronc », représenté par les Palmiers et les Fougères arborescentes. Sa structure permanente se résume au tronc. Dans ce type d’arbre, la fonction de conduction hydraulique est assurée par de nombreux faisceaux vasculaires séparés, tandis que le soutien mécanique (rigidité en flexion) est assuré par des fibres ainsi que par la base engainante des feuilles.
L’Arbre 3D, représenté par de nombreux arbres tels que chênes, hêtres ou conifère. Sa structure permanente, constituée du tronc et des branches permanentes, est en 3 dimensions dans l’espace. La conduction hydraulique et le soutien mécanique sont assurés par un seul tissu, le bois. Diverses combinaisons ont produit divers types d’arbres au Paléozoïque et la diversité des formes arborescentes est importante dès le Dévonien, entre -385 et -360 millions d’années. On documente à cette période :
des arbres Poteau chez les Cladoxylopsida que nous nommerons « Clados ». Les spécimens les plus emblématiques sont découverts dans l’état de New York aux USA où ils forment une forêt à Gilboa. Ces arbres n’ont pas de feuilles et peu de bois.
des arbres 3D chez Archaeopteris. Ces arbres ressemblent à des conifères actuels. On a récemment retrouvé des paléosols avec leurs systèmes racinaires très étendus à Gilboa où ils formaient des forêts à peu près contemporaines des précédentes. Ces arbres ont des feuilles et beaucoup de bois.
des arbres à écorce. Ce troisième type a disparu au cours du Mésozoïque. Il est représenté par les Lycopsida que nous nommerons « Lycos ». Ici, la conduction hydraulique est assurée par un petit cylindre vasculaire au centre du tronc et le soutien mécanique par l’écorce dont le volume est plus important que celui du bois.
un quatrième type a été mentionné, mais en fait, il ne s’agit pas de plantes et ils n’ont donc ni bois, ni feuilles. Ce sont des champignons géants représentés par un « tronc » de plus de 8 mètres de long et 1 m de diamètre, les Prototaxites. D’abord imaginés tenant debout, ils ont été interprétés plus récemment comme des formes rampantes.
Le syndrome arborescent résulte de la combinaison de caractères anatomiques et architecturaux qui sont apparus progressivement chez les plantes depuis qu’elles ont colonisé la terre ferme au cours du processus qu’on appelle « la terrestrialisation ». À l’origine, les plantes sont petites et présentent une seule tige dressée de quelques cm de haut et quelques mm de diamètre, terminée par un sac qui contient les spores destinées à la reproduction. La ramification arrive très tôt, vers 445 millions d’années, avec une tige qui se divise en 2 branches égales et dressées. Puis les branches se multiplient, se latéralisent à partir de divisions inégales et se réorientent ; certaines se stérilisent, et forment des systèmes ramifiés latéraux qui, en s’aplatissant, aboutiront à l’évolution de proto-feuilles, puis de feuilles. En même temps, le bois apparaît vers 405 millions d’années, mais dans des axes qui n’excèdent pas quelques mm de diamètre. Quelques soit leurs types, les premiers arbres évoluent des tiges plus hautes, mais selon leur type, ils possèdent ou non des feuilles et du bois.
Anne-Laure Decombeix
Dès leur origine, les arbres ont formé des forêts qui ont profondément modifié les paysages et les écosystèmes terrestres, mais également les climats. Les forêts paléozoïques se sont développées sous toutes les latitudes, y compris jusqu’aux pôles lorsque les conditions climatiques le permettaient. Des forêts, dont les fossiles ont été reconnus par les premiers explorateurs de ce continent au début du 20ème siècle, ont ainsi colonisé l’Antarctique dès la fin du Paléozoïque, vers -260 millions d’années. Les forêts étaient présentes dans les zones tropicales, dans les zones marécageuses, on trouve les Lycos et les Clados, là où l’eau est directement disponible. Un peu plus éloigné de l’eau, on trouve les « progymnospermes » comme Archaeopteris», puis les gymnospermes à partir de la fin du Dévonien. Au cours du Permien, il y a une période de réchauffement et d’aridification. Les végétaux gagnent des tropiques vers les pôles. Ce sont alors les gymnospermes type conifères, Cycas, et Ginkgo qui forment les forêts, ainsi que d’autres groupes aujourd’hui éteints comme les Glossopteris avec de grandes feuilles en forme de langue (Glosso).
Une feuille fossile de Glossopteris du Permien d’Antarctique
Les Lycos arborescentes disparaissent vers 200 Ma mais leurs restes s’accumulent parfois dans les marécages sans se décomposer : ils donnent naissance aux lignites. Ces lignites (charbon) donnent son nom au Carbonifère, mais tous les charbons n’ont pas été formés au Carbonifère. C’est le cas en Europe, mais dans d’autres régions comme la Chine, il s’est formé du charbon au Permien par exemple.
Une couche de charbon formée par les lycophytes au Carbonifère près de Graissessac (Hérault)
Ensuite, c’est une promenade à travers les âges qui nous est proposée, on traverse le Dévonien, le Carbonifère, le Permien, le Trias en parcourant les modifications de la flore (et peu de la faune). Il nous restera à découvrir toutes les périodes suivantes qui ont vu l’arrivée et la diversification des plantes à fleurs : les Angiospermes.
La dernière partie de cette conférence a laissé place aux questions et aux échanges fructueux et se sont poursuivis autour d’une dégustation des vins du domaine Coste Moynier.
_________________________________________________________________ Régine Paris avec la relecture attentive d’Yves Caraglio.
Samedi 27 avril à 18 heures Salle de l’Esplanade du Pic Saint-Loup – Beaulieu (34160)
Jardiner avec peu d’eau, un défi nécessaire ?
Samedi 27 avril, l’Association Restinclières Beaulieu pour le Respect de l’Environnement organisait sa 12e édition de « Regards croisés ». Environ 90 personnes étaient présentes originaires de Beaulieu et des communes environnantes. Jacqueline Taillandier, présidente d’A.R.B.R.E a rappelé les buts poursuivis par l’association créée en 2011 et reconnue d’intérêt général, notamment l’éducation à l’environnement des enfants des écoles des deux communes.
Elle présente les deux intervenants hautement qualifiés de la soirée venus traiter du thème « Jardiner avec peu d’eau, un défi nécessaire ? » à l’invitation d’Yves Caraglio, botaniste et chercheur au CIRAD , référent scientifique de l’association.
Véronique Mure, Botaniste et Ingénieur agronome, en charge des aménagements extérieurs du site du Pont du Gard de 1998 à 2002 et du Jardin des migrations à Marseille, propose de modifier notre regard du jardin méditerranéen en respectant les cycles des plantes. Ses trois maîtres mots sont « Capter, Conduire, Stocker » l’eau que ce soit pour la collectivité à l’échelle d’un territoire ou pour l’individu à l’échelle de son jardin. Elle n’hésite pas à remonter le temps pour citer des exemples fameux d’alimentation en eau de territoires comme la ville de Nîmes avec le Pont du Gard, la région de la Crau avec le canal de Craponne ou les palmeraies au Maroc.
Opposée aux techniques d’arrosage automatique qui éloignent du végétal, elle préconise un arrosage « juste » qui tient compte des besoins de chaque plante. L’essentiel est de tirer les racines vers le bas pour permettre à la plante d’être autonome et de pouvoir gérer les périodes de sécheresse. Pour cela elle propose de planter « petit », d’arroser manuellement, de mettre les plantes à l’abri des morsures du soleil et du vent et d’utiliser le paillage.
En conclusion, elle suggère de lier le jardin à son environnement.
Marc Dufumier, Agronome, professeur honoraire à AgroParisTech et Président de la Fondation René Dumont témoigne de sa longue expérience d’agroécologue dans plusieurs régions du monde. Pour lui, il convient de mettre en œuvre les techniques permettant de nourrir correctement et durablement une population mondiale de plus en plus nombreuse tout en assurant un revenu décent aux agriculteurs de manière à enrayer l’exode rural et sans préjudice pour le cadre de vie.
Dans un contexte de dérèglement climatique, de mondialisation croissante des échanges agricoles, du poids des oligopoles, de l’extension des villes et de la raréfaction des ressources naturelles non renouvelables, il convient de mettre fin aux errements du passé. C’est l’objet de l’agro-écologie.
Pour cela il préconise la mise en place d’une couverture végétale maximale, l’utilisation des rayons solaires -une énergie gratuite et renouvelable-, alliée à celle du gaz carbonique, l’association des cultures qui permet plusieurs récoltes, le stockage de l’eau dans le sol en supprimant les ruissellements. Il est favorable à la réimplantation de la culture des légumineuses en France, à l’association étroite de l’agriculture et de l’élevage et au développement des circuits courts. Du côté de l’eau il suggère d’utiliser au mieux les pluies saisonnières. Il faut retenir dans les nombreuses démonstrations issues des expériences vécues et étudiées par Marc Dufumier que l’avenir réside dans la préservation de la vie des sols.
Les deux intervenants se sont entendus que pour cultiver avec peu d’eau il faut arroser juste, utiliser au maximum les ressources naturelles du soleil et de la pluie pour respecter les stratégies des plantes.
Avec un public très nombreux, les échanges ont été fructueux et se sont poursuivis autour d’un repas partagé. Les deux conférenciers ont volontiers dédicacé quelques uns de leurs ouvrages disponibles à la vente.
_________________________________________________________________ Régine Paris avec la relecture attentive d’Yves Caraglio.
Changements climatiques – Extinctions Ce que nous enseigne la géologie
Samedi 2 décembre 2023 avec Dominique Gayte
En parallèle à la COP 28 qui se tient à Dubaï aux Émirats arabes unis -coïncidence des calendriers-, l’association A.R.B.R.E a réuni une cinquantaine de personnes pour évoquer les changements climatiques et l’extinction d’espèces sous l’angle de la géologie. Cette conférence fait suite à deux sorties sur le terrain conduites par Dominique Gayte.
A l’aide d’un diaporama il nous présente les grandes évolutions du climat et des espèces végétales et animales de – 4 milliards d’années à nos jours. Il débute son propos avec une mise en perspective de l’apparition des différentes formes de vie sur la terre :
Dès 4 milliards d’années, apparition de la vie,
Il y a 2 milliards d’années, apparition de l’oxygène et des Eucaryotes,
600 millions d’années : explosion cambrienne,
500 millions d’années : les vertébrés,
400 millions d’années : sortie de l’eau,
200 millions d’années : les mammifères
160 millions d’années : les oiseaux
2,5 millions d’années (?) : genre homo
Neandertal : 500 000 (?)
Homosapiens :300 000 (?)
Une charte chrono stratigraphique a été élaborée à partir de la découverte des fossiles.
Une des premières choses que les géologues anciens ont découvert c’est qu’il y avait des renouvellements de faune/flore. Ils en ont déduit un découpage des temps géologiques.
A partir de la bio stratigraphie (chronologie relative) on a élaboré des ères : primaire (le trilobite), secondaire (les dinosaures), tertiaire et quaternaire (espèce humaine), qui ont changé de noms : paléozoïque, mésozoïque, cénozoïque (tertiaire et quaternaire)… et en bout de chaîne ce que nous appelons l’anthropocène (impact significatif de l’homme sur la planète que l’on peut faire remonter au néolithique avec les brûlis qui transformaient l’environnement).
Parallèlement, le climat a évolué tout au long de la vie de notre planète . C’est ainsi que les anciens géologues se sont rendu compte que les collines de Lyon (Fourvière et la Croix Rousse) sont d’anciennes moraines (amas de débris rocheux poussés par les glaciers). Il y avait donc des glaciers à Lyon, il n’y a pas si longtemps que cela (Riss : entre -300 000 et -130 000 ans ).
Près de Beaulieu, à l’Eocène (40 Ma), on retrouve une faune de pays chaud (tropical) : crocodiles, ancêtres des hippopotames… La dérive des continents peut expliquer une partie de ces évolutions de température, mais pas tout ! Surtout que ces conditions se retrouvent parfois sur tout le globe.
On distingue cinq grandes extinctions La sixième est en cours.
Mais il y a eu aussi beaucoup de « petites » crises. On parle également de crise écologique ou biologique. Dans tous les cas, on constate des durées relativement brèves, une répartition géographique mondiale et une importante chute de la biodiversité. Le bilan est à nuancer car nous n’avons qu’une vision parcellaire essentiellement liée aux fossiles. Or, il est difficile de retrouver des fossiles de champignons par exemple alors qu’ils sont constitués de beaucoup d’eau…
On notera dès maintenant une grande dépendance entre l’extinction d’espèces et les changements climatiques.
Au début, si on remonte le temps (vertigineux chez les géologues…), la terre peut être vue comme une grosse boule de lave (– 4,6 milliards d’années) puis il y eut un énorme impact avec Théia, de la taille de la moitié de la Terre (60 millions d’années après le début). De cette collision est née la lune et peut-être les saisons à cause de l’inclinaison de la terre. Sur une période comprise entre 3,8 et 4 milliards d’années, la terre se refroidit, une croûte se forme, des bombardements intenses de météorites ont lieu. Assez vite on aura l’apparition de la vie (- 3,8 à – 4 milliards d’années ?).Il y a un peu plus de 2 milliards d’années la terre a été recouverte d’une grande couche de glace. On l’appelle « terre boule de neige » et un fort albédo (le pouvoir réfléchissant d’une surface) augmente le refroidissement.
Avec beaucoup de CO2 dans l’atmosphère on aurait dû avoir un effet de serre énorme mais le soleil n’était pas à pleine puissance (environ 70%). La vie autour de – 4 milliards d’années concernait des organismes unicellulaires qui absorbaient de l’oxygène et rejetaient du méthane. Ce gaz à effet de serre sont 25 fois plus puissants que le CO2. Les températures auraient dû exploser. Il y eut semble-t-il un brouillard d’hydrocarbures (du méthane) qui a assuré une protection. De fait il n’y a pas qu’une cause et qu’une conséquence. Il y a un peu plus de 2 milliards d’années, une énorme glaciation transforme la terre en une énorme boule de neige. Grace à la prolifération d’une nouvelle catégorie d’organismes utilisant la photosynthèse, l’oxygène apparaît. Cet oxygène est un poison pour les premières formes de vie. C’est probablement la première extinction mais qui reste ignorée. Il y a 750 millions d’années, la concentration atmosphérique de gaz à effet de serre baisse à tel point que la Terre a perdu environ 50 °C de température moyenne. La cause en est probablement : l’érosion… Les sédiments sont des puits à carbone qui captent le CO2. Plusieurs épisodes ont eu lieu jusqu’à – 600 millions d’années environ et on en est sorti grâce au volcanisme qui a rejeté du CO2…
On voit donc l’importance des gaz à effet de serre – CO2 – Méthane.
Pendant toute cette phase de glaciation, la vie a continué sous forme d’abord d’organismes unicellulaires (bactéries, stromatolithes) puis des premiers organismes multicellulaires (algues rouges, gabaonites, éponges). A la fin de la glaciation du Cryogénien on note une explosion de la vie multicellulaire : faune d’Ediacara (du nom d’un site en Australie) il y a 630 millions d’années.
Il y a un peu plus de 500 millions d’années, extinction massive de la faune d’Ediacara et nouvelle explosion de vie ! Apparition de la plupart des embranchements actuels. Certains parlent de big bang zoologique. Une des causes pourrait être l’augmentation de la quantité d’oxygène dans l’eau.
Une nouvelle extinction appelée « Ordovicien-Silurien » il y a 445 millions d’années liée à une importante glaciation et à une grande phase de volcanisme : 85 % des espèces ont disparu , recul de la mer sur des centaines de km détruisant les écosystèmes. Deux théories : à l’Ordovicien, colonisation de la terre ferme par les plantes non vasculaires dépourvues de racines, de tiges et de feuilles), altération des sols (silicate) qui a fixé le CO2 donc réduction de l’effet de serre et diminution drastique de la température. La seconde théorie met en avant l’abondance d’algues vertes qui ont piégé le CO2.
Extinction de la fin du Dévonien vers – 370 millions d’années, disparition de 75 % des espèces, surtout littorales, en 20 millions d’années (!) Variations répétées du niveau de la mer et du climat entraînant plusieurs extinctions successives. Apparition des plantes vasculaires (arbres) sur la terre ferme, génération des sols, altération des sols, lessivage de ces sols, matière organique entraînée dans les océans, en mer diminution de l’oxygène et fixation du CO2 (récifs, dépôts de sédiments calcaires). Et aussi volcanisme important, astéroïde…
Extinction du Permo-Trias il y a 252 millions d’années. 95 % des espèces marines et 70 % des vertébrés terrestres ont disparu ! Mais aussi disparition massive des plantes. Ce qui en fait la plus grande extinction identifiée. Ont notamment survécu les ancêtres des dinosaures, des crocodiles et des mammifères. Les causes sont encore troubles mais il y aurait plusieurs hypothèses : l’activité volcanique, le sulfure d’hydrogène (H2S), l’existence d’un continent unique : la Pangée, l’extrême accroissement de la température (50 à 60 °C sur les continents et proche de 40 °C à la surface des océans + d’importants dépôts d’évaporites (par exemple les mines de sels des Alpes : Hallstatt exploitée au Néolithique).
L’immense activité volcanique durant 1 million d’années a donné les trapps de Sibérie – 2 millions de km² recouverts actuellement, probablement 7 millions à l’époque (en comparaison de la superficie de la France de l’ordre de 550 000 km² et 10 millions de km² pour l’Europe), et jusqu’à 4 km d’épaisseur ▪ Libération de CO2 dans l’atmosphère.
Le sulfure d’hydrogène – le gaz qui sent mauvais (œuf pourri) et qui est toxique- aurait été massivement libéré dans l’atmosphère suite au réchauffement ; Il est aussi impliqué dans la destruction de la couche d’ozone avec des conséquences néfastes pour les espèces.
La Pangée : super continent ayant regroupé quasiment toutes les terres émergées. Il a donc limité les surfaces de contact terre/mer propices à la vie. Il y a probablement eu de grands bouleversements au niveau des courants marins et aériens qui ont profondément modifié le climat et donc la vie.
Extinction Crétacé-Paléogène (ou crétacé–tertiaire) il y a 66 millions d’années, la plus proche de nous, donc la mieux connue. Elle a été immortalisée par de nombreux films sur l’extinction des dinosaures (!). Elle a permis notamment l’expansion des mammifères. Deux causes majeures sont évoquées : l’impact d’une météorite avec des traces d’iridium et le volcanisme. Les deux ont contribué à cette extinction massive.
La météorite de Chicxulub au large de la péninsule du Yucatan (Mexique) a laissé un cratère d’impact. L’astéroïde aurait eu une taille de 10 à 80 km de diamètre. On a retrouvé les couches qui illustrent cet évènement dans le Dakota du nord (Tanis) : trace d’un tsunami, mélange d’animaux d’eau douce et marins, dinosaures dans la couche -pas au-dessus-, poissons avec des tectites (billes de verre) dans les branchies. Cet évènement a créé un hiver nucléaire avec la diminution de la lumière solaire, la disparition de nombreuses plantes et de la chaîne alimentaire au-dessus. Le froid aurait éliminé les animaux à sang froid.
Trapps du Deccan formés à la suite d’importantes coulées de lave de plus de 2 000 m d’épaisseur sur 1,5 à 2 million de km², entre 30 000 ans et 1 million d’années, à l’époque où la plaque Indienne, qui avait quitté le sud de l’Afrique, se trouvait au niveau de la Réunion actuelle.
Les évolutions récentes du climat Nous avons des données plus précises avec les carottes glaciaires russes. Le climat évolue régulièrement avec une alternance de phases de glaciation et de réchauffement. Les causes seraient à trouver notamment dans les relations soleil/ terre :
Excentricité de l’orbite terrestre (période de 100 000 ans)
Oscillation de l’axe de rotation propre de la Terre (inclinaison de l’Écliptique) (40 000 ans)
Précessions (axe des équinoxes) (25 000 ans)
Cycles d’activité du soleil (11 ans).
Actuellement nous connaissons une phase de réchauffement stable que montrent les courbes Epica et Vostok. Le taux de CO2 a un impact direct sur l’accroissement de la température. Cet accroissement colossal est lié à l’activité humaine.
Et encore plus récemment
Petit âge glaciaire (PAG), période climatique froide qui a touché l’ensemble du globe.
En 1693 et 1694, près de 1,7 millions de Français meurent, autant que durant la Première guerre mondiale.
Retraite de Russie de Napoléon, 1812…
Le Gulf Stream C’est un courant océanique qui remonte les eaux chaudes des tropiques. Il est responsable d’une relative douceur des côtes bretonnes. Le Gulf Stream peut-il s’arrêter ? Un arrêt a eu lieu en – 6 200 à la suite du déversement d’une énorme quantité d’eau douce dans l’Atlantique nord (lac Agassiz). Cela aurait engendré une baisse de température de 5 °C en Europe pour plusieurs siècles.
Et les extinctions récentes… Les extinctions ont continué durant le tertiaire et le quaternaire. Les plus récentes sont celles de la mégafaune du Pléistocène. En Eurasie avant la fin de la dernière grande glaciation, on avait une faune de « gros » animaux – Mammouth, ours des cavernes, lion des cavernes, paresseux géant… qui disparait il y a une dizaine de milliers d’années.
Conclusions La géologie nous enseigne que le climat n’a cessé de varier, entraînant des catastrophes au niveau de la vie. Mais le climat est aussi le moteur des apparitions de nouvelles formes de vie. Le climat évolue notamment sous l’influence des gaz à effet de serre (volcanisme – vie – et l’Homme a un impact notable sur l’augmentation de leur concentration-). La vie dépend aussi de conditions extra-climatiques (composition chimique du milieu, le soleil, la couche d’ozone, la réduction des écosystèmes (et l’Homme a un impact notable sur la réduction de certains écosystèmes). L’homme est-il en danger ? Non, il est assez résilient pour survivre. C’est sans doute notre civilisation qui est menacée. Pour le géologue la boucle de rétroaction fera qu’il y aura moins d’humains donc moins de gaz à effet de serre et une baisse de la température. Il existe une étroite interdépendance entre la vie et le climat. La planète a connu des évènements catastrophiques, mais la vie a toujours pris le dessus. Sans ces évènements, nous ne serions probablement pas là.
———————————————————————————————————————————————————————————————————————— Synthèse de Régine Paris à partir du diaporama de Dominique Gayte.
Samedi 15 avril à 18 heures Salle de l’Esplanade du Pic Saint-Loup – Beaulieu (34160)
Vous avez dit Nature ?
Les écosystèmes – Science et Philosophie
La 11e édition des Regards croisés de l’association A.R.B.R.E a réuni une soixante de personnes dans la salle de l’esplanade du Pic Saint-Loup à Beaulieu autour d’un thème qui est la continuation de ce qui avait été abordé l’an dernier : L’humanité face au déclin de la biodiversité.
Deux conférenciers, un philosophe, Pierre Plumerey, et un scientifique, Fabien Anthelme, ont abordé chacun dans leur discipline une approche de la Nature et des écosystèmes. Le public a pu ensuite prendre la parole pour des échanges directs avec les intervenants.
La soirée a débuté avec la présentation par deux élèves du cours préparatoire d’Isabelle Vaxelaire de l’école primaire de Beaulieu des travaux réalisés dans le cadre scolaire qui font suite à trois jours de sorties nature. Les deux fillettes sont assistées par Catherine Fels, en charge des relations avec les écoles, et par Yves Caraglio, le référent scientifique d’A.R.B.R.E.
Chaque fillette prend la parole pour présenter des dessins d’arbustes, de feuilles, de troncs et de racines. Les arbres peuvent avoir différentes formes en fonction de leur tronc, des branches, des feuilles et des écorces. Les troncs peuvent êtres courts et s’arrêter là où commencent les branches ou être très allongés et avoir des branches tout le long.
Lors de la deuxième sortie, les élèves ont pu observer différentes feuilles palmées, découpées, dentées, sous la forme d’aiguilles et distinguer les arbres à feuilles caduques qui perdent leurs feuilles en automne et en hiver, des arbres à feuilles persistantes qui conservent leurs feuilles.
Après cette introduction rafraîchissante, Pierre Plumerey prend la parole pour s’interroger sur le concept de « Nature ». La question posée indique pour le moins que l’idée de « nature » ne va plus de soi. Certains parlent même de « mort de la nature ». Cela peut se dire en trois sens : – les plus catastrophistes disent que la nature est en train de mourir tant elle subit les assauts destructeurs de notre société productiviste et consumériste. – notre monde est totalement artificialisé. Il n’y a plus rien de naturel. – la vieille idée de nature a fait son temps. Le concept est vide. D’autres concepts plus pertinents sont nécessaires comme ceux d’écologie, d’environnement, de développement durable. Tout le monde semble encore s’accorder pour dire que l’écologie s’occupe de la nature, sauf peut-être les écologues qui étudient des écosystèmes plutôt que la nature. Alors faut-il et peut-on encore recourir à cette notion ou idée ou concept ?
1 – La nature est-elle morte ?
1.1. Qu’entendons-nous par « nature » ?
1 – Pourquoi aimons-nous nous promener dans la nature ?
Le mot nature vient de « nasci » en latin et signifie « naître ».Il désigne donc un état originel, premier, qui n’a pas été touché et qui est resté tel qu’il est apparu. Se promener dans la nature c’est avoir l’impression de retrouver cet état. Cela permet de se ressourcer, renaître. D’où aussi l’idée de préserver, protéger cette nature.
Mais n’est-ce pas une illusion ? Qu’y a-t-il encore de naturel ? Voir aussi l’ambiguïté de l’idée de réserves naturelles. Se référer au concept de « wilderness ».
2 – « Ça pousse tout seul »
La nature est définie comme un principe de mouvement et de repos autonome. Le mot contient alors le sens du mot grec « phusis » et contient l’idée de croissance, de production, d’épanouissement, d’éclosion. La nature n’a pas besoin d’une intervention extérieure. Elle peut ainsi apparaître comme principe de vie. Deux idées apparaissent ici : – la nature est autonome – l’idée d’une inépuisable prodigalité. La nature est ressource.
3 – « La nature est bien faite » ; « la nature fait bien les choses »
Elle désigne l’ensemble de ce qui est (parfois synonyme de cosmos, univers, monde), ou la somme des êtres qui présentent un ordre et sont soumis à des lois. (Pythagore, Galilée…).
La modernité depuis le 16e siècle a un double héritage :
La conception d’une nature ordonnée, la place privilégiée de l’homme dans l’ordre de la création.
L’homme n’est pas un être comme les autres ; il a une origine surnaturelle dont il « tire le droit et la mission d’administrer la terre » (Descola,p.129) .
4 – « C’est dans ta nature » La nature humaine. Le mot sert à défini ce qu’est un être. L’homme défini comme être de raison et libre. 1.2. Tous ces éléments conduisent à définir ce que Descola résume dans le mot « naturalisme ». La nature est donc définie comme une réalité séparée dont l’homme dispose à son gré jusqu’à « se rende comme maitre et possesseur » (Descartes) Descola demande d’arrêter de voir les choses selon notre modèle mettant la culture et la société d’un côté et la nature et l’environnement de l’autre, « le point important, c’est l’idée d’une interdépendance ente nature et culture, entre humains et non-humains. »
1.3. Que valent encore les grandes distinctions par lesquelles nous nous distinguons de la nature ? – nature/culture – nature/technique, naturel/artificiel – nature/société – nature/histoire – nature humaine/ non-humain. Critique de M. Merleau-Ponty : « tout est fabriqué et tout est naturel chez l’homme ». Exemple l’expression de la colère par un japonais. Critique de Bruno Latour : tout est « nature/culture ». Ex. le climat qui comportent bien des explications physiques dites naturelles mais est aussi lié à l’activité humaine.
1.4. On peut continuer à parler de nature « en y voyant un ensemble de relations dans lesquels les hommes sont inclus, un enchevêtrement de processus ». ( Dans Penser et agir avec la nature, Catherine et Raphaël Larrère, p.11)
2 – L’écologie a-t-elle effacé la nature ?
2.1. Que recouvre le mot « écologie » ?
Il y a l’écologie des écologues. Elle est alors une science.
Il y a l’écologie des défenseurs de la nature. (cf définition partie 1)
Il y a l’écologie des défenseurs de l’environnement avec des concepts d’aménagement, de gestion. En 1971, création d’un ministère de la nature et de l’environnement. Le mot nature disparaît très vite pour laisser place à l’environnement associée souvent à l’équipement. A partir de 2002, la question environnementale disparaît des attributions ministérielles au profit du concept de « développement durable ».
Il y a l’écologie concrète qui désigne une manière de vivre et de consommer. Elle se développe dans des mouvements d’expérimentation sociale.
Il y a l’écologie politique. Création de partis écologistes mais aussi de nombreux mouvements d’action comme le mouvement antinucléaire ou, aujourd’hui, les soulèvements de la terre.
2.2. Est-ce de la nature que s’occupe l’écologie scientifique ? Qu’est-ce que l’écologie comme science ? En 1866, Ernest Haekel (1834-1919) : « la science des relations des organismes avec le monde environnant, auquel nous pouvons rattacher toutes les conditions d’existence au sens large. » Les concepts de milieu, de vivant, de systèmes de relations sont des concepts de base de l’écologie. Importance centrale du concept d’écosystème. L’écologie correspond à un nouveau paradigme i.e. un nouveau cadre, modèle d’explication et de connaissance du réel. Edgar Morin le caractérise par le concept de « complexité ».
Conclusion : Ce n’est donc pas « la nature » qu’étudie l’écologie, cette notion ou idée est bien trop générale et ne manque pas d’ambiguïtés. D’ailleurs, l’expression « produits bio » se substitue peu à peu à celle de « produits naturels ».
2.3. L’écologie environnementale. L’objectif est de définir un cadre de vie, un monde habitable et vivable. On peut relever ici deux problèmes :
Le mot environnement reste anthropocentrique ; l’homme au centre et face à ce qui l’entoure ;
Cet environnement est à aménager pour répondre aux exigences humaines. Dans ce contexte apparaît un nouveau concept qui s’impose : le développement durable. Continuez à développer des politiques de croissance, de production et de consommation mais avec une meilleure connaissance des écosystèmes pour en assurer la permanence.
Conclusion L’écologie de l’environnement, dans un contexte politico-économique de développement durable, reconduit les rapports que les hommes entretenaient avec la nature même si ce mot s’éclipse de plus en plus. Il y a ainsi deux attitudes qui ne sont que les deux faces d’une même réalité :
Il y a un rapport de domination et de maîtrise. Tout s’ordonne autour de l’homme et ses exigences spécifiques. L’homme face à son environnement.
Il y a un rapport de protection et de préservation. De maitre et possesseur de la nature nous sommes devenus maître et protecteur c’est-à-dire gestionnaire.
Ces deux attitudes ne sont pas antinomiques. Il peut s’agir de protéger et de préserver pour mieux exploiter avec une confiance totale dans la puissance techno-scientifique. Mais la crise climatique ne révèle-t-elle pas les impasses d’une telle attitude ? De nouveaux concepts émergent aujourd’hui.
3 – Où pouvons-nous atterrir ?
3.1. L’anthropocène. – Ce concept répond à la question : Quel est l’impact de l’activité humaine sur son environnement au sens large à l’échelle de la planète terre. Le terme a pris le sens actuel avec Paul Joseph Crutzen (1933-2021) ; il désigne l’entrée dans une nouvelle ère géologique dans laquelle l’activité humaine modifie l’environnement à l’échelle planétaire et met en danger la stabilité actuelle du « système terre ».
3.2. L’ère de l’anthropocène définit une nouvelle condition terrestre et nous pose 4 questions
Avons-nous les moyens, les connaissances pour évaluer les risques ? Comment faire face aux incertitudes nouvelles ? Si la techno-science exerce une maîtrise, parvient-elle à maîtriser sa maîtrise ? Nous flottons dans l’incertitude sur ce que nous pouvons et sur ce qui advient. Les risques pris sont à quels prix ? Suffit-il d’inscrire un principe de précaution dans la constitution (en 2005) ?
N’avons-nous pas à répondre de ce qui nous arrive ? Comment appliquer le principe de responsabilité formulé par le philosophe Hans Jonas (19031993) : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre. »
Comment éviter les « tyrannies bienveillantes » ?
Que pouvons-nous faire ? – Continuez à faire ce que nous faisons mais dans une perspective de développement durable. Quel sens donner au nouveau concept de « transition écologique » ? – Fuir. Dénier la réalité des problèmes. Créer de nouvelles communautés humaines sur une autre planète ? Fabriquer une nouvelle espèce « d’être humain » qui s’adapte aux nouvelles conditions ? – Atterrir sur terre et vivre en terrestre. Voir Bruno Latour (1947-2022) Nous avons encore le temps, malgré l’urgence, de devenir des terrestres.
3.3. Qu’est-ce que vivre en terrestre ? Nous ne sommes ni « dans », ni « devant », ni « sur », ni « face » à la terre, la nature, le monde. Toutes ces prépositions contiennent l’idée d’un humain séparé, éloigné de ce qui n’est pas humain, la terre, les autres êtres vivants, alors qu’il appartient à la terre, à la nature, au monde qu’il habite. Les organismes font leur environnement. Et en faisant leur environnement ils se font eux-mêmes. Cf. l’exemple des termites et leur termitière. Nous sommes la terre (B. Latour), nous sommes la nature (B. Morizot), nous sommes le monde (Jean-Luc Nancy).
Conclusion avec Baptiste Morizot « Nous héritons d’une manière de voir le monde (l’ontologie naturaliste) qui établit une distinction entre d’un côté, le monde humain et politique, et de l’autre, la nature, vue comme un ensemble inerte qui ne serait régi que par des rapports de force. Cette séparation bute désormais sur un problème : les sciences ont montré que le monde vivant est complexe et régi par une infinité de types de relations.
C’est tout l’espace des relations possibles entre nous et les autres vivants, le continent englouti qui sépare le monde moderne de la politique et celui de la « nature ». Son émergence repose sur un fait simple : nous avons besoin de l’action des autres vivants car ils façonnent l’habitabilité des milieux pour la vie. Nous en dépendons. La beauté du monde vivant, c’est que tout le monde vit glissé dans la vie des autres, et on ne sait jamais dans la vie de qui nous sommes glissés. Il y a donc là une possibilité politique passionnante : on ne peut pas choisir qui joue un rôle dans la chaîne des interdépendances, il faut composer des alliances avec tout le monde vivant. Libération 13 avril 2023.
Le deuxième intervenant va compléter cette première conférence par un point de vue scientifique. Fabien Anthelme est écologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) de Montpellier. Son intervention combine des notions générales d’écologie – à travers des figures majeures de cette discipline – et des exemples en partie tirés de son expérience de chercheur dans les Andes tropicales. Il centre son propos sur les interactions entre espèces végétales et animales avec leur environnement comme fondement d’un monde vivant en interactions.
1 – Introduction par l’exemple
Le Puya de Raimondi est une plante de la famille de l’ananas (Broméliacées). Parmi ses particularités, elles se développe sur l’altiplano andin, à plus de 4000 m d’altitude. Malgré le froid, elle pousse pendant plusieurs décennies puis forme, une seule fois dans sa vie, des inflorescences géantes pouvant atteindre plus de 10 mètres, avant de mourir. Ces inflorescences sont visitées par un colibri géant. Les activités humaines font que cette espèce est aujourd’hui en danger d’extinction.
C’est une espèce en danger d’extinction. L’homme fait-il partie de cet écosystème, de cette nature ?
2 – Alexander von Humboldt et la naissance de l’écologie
Lors de son voyage en Amérique latine au début du XVIIIème siècle, Humboldt visite des écosystèmes tropicaux riches en biodiversité et variés. En escaladant un volcan qui culmine à plus de 6000 m, le Chimborazo alors considéré comme le plus haut sommet de la planète, il observe le paysage qui s’offre à lui. Il réalise que les différents étages de végétation qui se succèdent à différentes altitudes sont liés aux variations du climat. Par exemple, les forêts de nuages sont remplacées à plus haute altitude par les forêts andines, qui laissent place à une végétation alpine localement appelée « paramo ». Il voit la nature comme un tout, ou le vivant et le non-vivant interagissent. C’est une introduction à l’écologie, une vision globale ou « holiste ».
3 – Frederic Clements et les communautés végétales (1916)
En 1916, soit plus de 100 ans après le voyage de Humboldt, Frédéric Clements observe au Nebraska des étage des végétation dans une région encore peu modelée par l’homme. Il décrit pour la première fois le concept de communauté végétale, soit des groupes d’espèces qui coexistent et interagissent pour créer de nouvelles conditions qui mènent à l’installation d’une autre communauté végétale. Le concept de succession végétale de Clements se base sur le fait que les plantes d’espèces différentes peuvent avoir des interactions positives entre elles : il s’agit de facilitation entre plantes, l’inversée de la compétition. Le concept de facilitation a été formalisé beaucoup plus tard, à la fin du vingtième siècle, notamment par Ragan Callaway qui montre que la facilitation est un moteur de la dynamique des écosystèmes. Parmi les exemples de plantes facilitatrices on trouve notamment les plantes en forme de coussin dans les régions alpines de haute altitude, puisqu’elles améliorent le micro-environnement pour l’installation d’autres plantes (températures plus élevées, plus de nutriments, plus d’humidité)
4 – Arthur Tansley et la définition d’écosystèmes (1935)
En se basant sur les travaux de Clements, il inclue les animaux dans le système : toutes les composantes de l’écosystème sont maintenant présentes (végétaux, animaux, autres organismes vivants, environnement physique). Tansley développe une idée novatrice à l’époque : les écosystèmes sont non seulement le résultat de la succession végétale mais ils sont aussi régis par des évènements perturbants extérieurs (feux, crues, tempêtes, etc.).
Ces dix dernières années, beaucoup d’études ont montré qu’un écosystème stable peut se transformer à la suite de perturbations créées par l’homme : il s’agit d’effets des changements globaux sur les écosystèmes. Parfois ces perturbations ont des effets irréversibles, on parle alors de transition catastrophique comme la dégradation des écosystèmes semi-arides surpâturées en Espagne. On ne revient pas à l’état ancien. Toutefois, les perturbations ont parfois des effets positifs sur la biodiversité. Par exemple, les feux en plaines africaines produisent des écosystèmes alternatifs fonctionnels et riches en biodiversité : c’est le cas de la savane. Des écosystèmes ont été façonnés par les dinosaures il y a plus de 65 millions d’années. Lorsque les dinosaures ont disparu, les gros fruits qu’ils mangeaient ont persisté.
Arthur Tansley considérait que l’homme fait partie de la nature.
Conclusion
On peut noter des interactions entre le philosophe et le scientifique. La philosophie se nourrit aussi de ce qui n’est pas d’elle.
Aujourd’hui on observe un dérèglement climatique. Qu’est-ce que ça veut dire ? Faut-il continuer à faire la distinction Nature/Culture ? Comment parler du climat ? On peut répondre par le concept de complexité.
Après quelques questions du public les échanges se poursuivent dans le cadre convivial du repas partagé avec ce chacun.e a apporté. La formule rencontre un certain succès qui permettra de la renouveler l’an prochain autour d’un nouveau thème.
La présidente de l’association A.R.B.R.E remercie les deux fillettes du cours préparatoire de l’école primaire de Beaulieu et les deux intervenants qui ont su capter l’attention d’un public curieux de mieux appréhender le concept de Nature.
_____________________________________________________ Régine Paris avec la relecture attentive des deux intervenants.
Pour sa 11e édition de Regards Croisés l’A.R.B.R.E (Association Restinclières Beaulieu pour le Respect de l’Environnement) a choisi de programmer sa soirée « Regards Croisés » au printemps :
L’association a invité deux personnalités qui proposeront chacun leur regard de spécialiste sur les notions de nature, d’écosystème, d’environnement… :
Fabien Anthelme (Directeur de recherche à l’IRD).
Pierre Plumerey (Philosophe).
L’A.R.B.R.E propose régulièrement des activités dans les écoles en lien avec ce thème avec la participation de spécialistes comme les Ecologistes de l’Euzière. Une présentation des travaux réalisés par les élèves ouvrira la soirée.
La soirée débutera à 18 heures dans la salle municipale du Pic Saint-Loup à Beaulieu et se prolongera avec un repas partagé constitué de ce que chacun aura apporté. Entrée libre.