Samedi 30 août 2025
Intervenants :
- Jules TEULIERES, Chiroptérologue,
- Aurélia DUBOIS, Herpétologue et ornithologue.

A l’occasion des Journées Internationales de la Chauve-Souris, l’association A.R.B.R.E a proposé deux ateliers sur les chauves-souris et les rapaces nocturnes.
Le rendez-vous était fixé à 20h15 au parking du gymnase Edmonde Carrère.
15 adultes et 7 enfants ont répondu à l’invitation. Yves Caraglio, président de l’association ARBRE, accueille les participants et distribue des écouteurs.
On s’achemine tranquillement vers le parking du théâtre des carrières où nous retrouvons les animateurs de cette soirée nocturne : Jules Teulières, chiroptérologue, et Aurélia Dubois, herpétologue et ornithologue. Yves explique la manière dont on va procéder, à savoir deux groupes qui successivement participeront aux deux ateliers.
1- Atelier chauve-souris
Jules prend en charge le groupe composé d’une dizaine de personnes autour d’une table sur laquelle il a disposé un écran diffusant des vidéos, une enceinte acoustique pour diffuser les ultrasons, quelques livres ainsi que des photographies couleur grand format de quelques espèces de chauves-souris. A proximité, une caméra thermique permet d’observer le passage des petites bêtes à la nuit tombante. Il précise qu’il aime bien procéder par questions réponses.
La première question porte sur la taille des chauves-souris. Jules précise que la plus grande chauve-souris européenne « la grande noctule« peut mesurer jusqu’à 17 cm et 46 cm d’envergure. Selon les espèces, elles migrent dans des pays lointains. Elles peuvent ainsi se rendre de Russie en Espagne en volant le jour et la nuit ou tout simplement se déplacer de 200 m en hiver.
Elles utilisent une vingtaine de gîtes par an dont 10 en été pour suivre l’eau et peuvent parcourir 60 km en une nuit à la vitesse maxi de 80 km/heure.
La deuxième question porte sur leur régime alimentaire. Elles se nourrissent essentiellement d’insectes comme les moustiques (jusqu’à 3 000 en une nuit) et des papillons sur le littoral. La plus grande peut même chasser des petits oiseaux. D’autres dans le monde se nourrissent de fruits, de petits lézards et même du sang prélevé sur le bétail dans la forêt amazonienne. La chauve-souris vampire peut ainsi être vecteur de la rage. Pour chasser les coléoptères, elles font du glanage à ras le sol et se laissent guider par les ultrasons. La disparition des insectes et les éoliennes représentent des menaces sérieuses.
Elles peuvent voler à un mètre du sol quand il n’y a pas de structures paysagères et aller jusqu’à une altitude de 4 000 mètres. On ne dispose pas de mesures exactes.
Elles ont pour prédateurs les chouettes et les hiboux ainsi que le chat qui ne les mange pas, mais s’amuse avec. On n’oubliera pas les camions poids lourds qui traversent la France la nuit et peuvent taper jusqu’à un millier de chauves-souris le long du trajet.
Une autre menace, la perte d’habitat naturel avec l’effondrement des grottes à la suite des modifications climatiques, le mauvais entretien de vieux bâtiments ou leur privatisation, la coupe des arbres…

On peut leur offrir un habitat en installant un gîte artificiel en bois brut (châtaignier) dans un arbre à une hauteur suffisante pour les protéger des chats. Une colonie pourra alors s’installer dans les trois ans et il pourra aussi constituer un gîte de passage. L’orientation est difficile à déterminer chez nous, il ne faut pas une exposition plein soleil, l’ouest marche pas mal et il faut éviter le nord. Sur la question de l’intégration possible d’un gîte dans le bâti, Jules précise que des études sont en cours et qu’un guide va sortir prochainement pour aider les entreprises du bâtiment à prendre en compte la faune. On a déjà constaté l’emmurement de chauves-souris dans l’isolation d’un bâtiment. A Bourges une expérience est menée par des menuisiers pour tenir compte de ce risque.
Jules indique l’utilisation de fissures dans des falaises et certaines espèces sont cavernicoles. On trouve aussi des habitats en haute montagne dans des éboulis ou des grottes. Les chauves-souris se plaisent à une température de 12°. Mais ces habitats ont tendance à se réchauffer. Elles ont besoin d’humidité et migrent à l’intérieur des grottes de l’entrée vers le fond pour être à la bonne température. On a repéré ainsi une grosse colonie de 8 000 individus à Pézenas.
Jules recommande de récupérer les crottes de chauve-souris, le guano, qui constitue un excellent engrais : une cuillère à café diluée préalablement dans de l’eau chaude et versée dans un arrosoir suffit pour obtenir de belles tomates.
Concernant la reproduction, les mâles rejoignent les femelles dans une sorte de parade chantée. Le couple se réfugie dans un gîte pour se reproduire et ensuite elles entrent en hibernation. Un mois avant la mise bas, le petit représente jusqu’au tiers du poids de la chauve-souris. Les petits sont rassemblés en tas dans une nurserie et les femelles allaitent à tour de rôle. A souligner que l’espèce susceptible de mettre bas des jumeaux dispose de quatre mamelles. On constate une forte mortalité des petits.
On a dénombré 37 espèces de chauves-souris en France, toutes protégées Elles voient très bien le jour et 4 espèces supportent la lumière des lampadaires. La pipistrelle commune et la pipistrelle de Kuhl ne craignent pas la lumière, cela crée un avantage pour ces espèces qui peuvent chasser et donc se nourrir au détriment des espèces plus sensibles à l’éclairement. Les nuits de pleine lune on en voit moins. Elles peuvent nicher derrière les volets ou sous des parasols. Il ne faut pas les déranger le jour.
Côté hydratation, elles boivent dans une flaque d’eau et refusent l’eau salée. Elles commencent par s’hydrater avant d’aller chasser.
Une question sur les conflits : ils sont résolus à l’amiable. Elles ne se tapent pas et utilisent des cris « sociaux » de dissuasion.
Pour conclure, Jules nous fait écouter des sons notamment celui du « molosse ».
Pour satisfaire notre curiosité, il nous conseille le guide édité chez Biotope :
Les Chauves-souris de France, Belgique, Luxembourg & Suisse – 3ème édition, entièrement actualisée et augmentée – Laurent Arthur, Michèle Lemaire
2 – Atelier rapaces nocturnes
Nous changeons d’interlocuteur pour retrouver Aurélia qui va nous parler des oiseaux de nuit. Pour introduire le sujet elle nous propose de citer les caractéristiques des rapaces nocturnes. Les propositions fusent : de grands yeux, un cou mobile (à 270°), un vol ultra silencieux, un bec, des serres, des plumes, des oreilles et une certaine beauté.
Aurélia précise que 254 espèces de rapaces nocturnes ont été dénombrées dans le monde dont 10 sont présentes en France. Ce sont les chouettes et les hiboux qui vont constituer notre menu ce soir. On commence par les différencier à partir de deux jolies photos. Si le bec est similaire aux deux espèces, le hibou se distingue par le port d’aigrettes qui ne sont pas des oreilles mais des radars à émotion d’après des découvertes récentes, ils permettraient de communiquer entre individus.
Ils appartiennent tous les deux à la famille des Strigidés. Ce sont des espèces mystérieuses auxquelles s’attachent des légendes. Au Moyen-Age en France, ces animaux étaient en lien avec la sorcellerie. Pendant longtemps on les a placardés sur les portes des maisons. Au Japon c’est l’inverse, elles sont considérées comme des porte-bonheurs.
Le vol silencieux est lié aux plumes. Aurélia nous montre plusieurs plumes récoltées sur le terrain. Les plumes de la chouette effraie comme tous les rapaces nocturnes ont un duvet et une sorte de peigne qui étouffent le son.
Hiboux et chouettes sont des prédateurs de petits rongeurs. Le hibou grand-duc par exemple s’attaque à des oisillons. Il se porte bien et sa population se maintient. S’il logeait habituellement dans les falaises, il s’approche désormais des habitations et s’adapte très bien à d’autres environnements.

Ces rapaces évoluent dans une aire géographique importante. On les trouve aussi bien en zone méditerranéenne que dans des zones de montagne. Le plus gros, le hibou grand-duc, a une hauteur de 80 cm et une envergure de 1,80m et peut vivre 30 ans alors que le petit duc avec son envergure de 20 cm a une espérance de vie de 5/6 ans. On les dit « fidèles ». Le petit duc Scops est un oiseau migrateur. A noter que parmi les rapaces nocturnes c’est le grand-duc de Sibérie qui a la plus grande envergure qui atteint 2 mètres.
Pour mieux connaître leur migration on utilise le suivi acoustique et même le radar. Des décalages migratoires sont parfois dus à l’homme. Certains peuvent parcourir de grandes distances en se déplaçant pendant trois jours et trois nuits consécutives avec juste des haltes pour s’alimenter.
Le grand-duc habite des cavités rocheuses alors que la chouette hulotte préfère des zones arboricoles. Quant à la chouette effraie, elle élit domicile dans les clochers.
Ces rapaces ont eux-mêmes des prédateurs comme le chat pour les jeunes notamment qui tombent du nid.
Une autre particularité de ces espèces, ce sont les « pelotes de réjection » toutes les cinq heures en moyenne selon ce qu’elles mangent et qui font l’objet d’un travail de dissection. Ces pelotes rejetées par la bouche contiennent tout ce qui n’est pas digeste (os, poils…). On peut par exemple y trouver un crâne de petit mulot ou d’un campagnol. C’est une caractéristique des rapaces nocturnes. Ces pelotes que nous montre Aurélia ont une forme oblongue bien particulière à chacune des espèces et qui les distingue des crottes de renard. Elles permettent d’étudier le régime alimentaire et de connaître les proies qui existent sur un territoire donné.
Une autre caractéristique c’est leur vision nocturne très poussée alliée à des stratégies auditives. Elles utilisent aussi leurs 4 serres sans effort car elles se contractent directement en pliant la patte. Côté reproduction les femelles peuvent avoir jusqu’à trois poussins. Les différents stades de développement sont les suivants : œuf, poussin, oisillon, jeune et adulte. Les couples se forment en automne/hiver pour une nidification au printemps.
On observe un dimorphisme sexuel avec un plumage différent en fonction de l’âge, du sexe mâle/femelle et des saisons. Idem pour la taille.
Les différentes espèces que l’on peut observer chez nous :
- L’effraie des clochers ou la dame blanche. On la clouait autrefois sur les portes car elle faisait peur.- la petite chevêche d’Athéna
- La chouette hulotte
- Le grand-duc d’Europe
- La chouette de Tengmalm
- La chevêchette d’Europe
- Le hibou moyen duc- le hibou des marais
- Le petit duc Scops est extrêmement mimétique : on l’entend bien mais on le voit rarement.
La Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) met à disposition une application visuelle de reconnaissance : « oisapp », l’appli à plume (https://www.lpo.fr/qui-sommes-nous/espacepresse/communiques/cp-2025/oisapp-l-appli-a-plumes ). On peut aussi utiliser l’application gratuite « oiseaux.net » pour avoir les chants. Et une application pour identifier par le chant, l’appli Merlin. On peut enfin participer au comptage des oiseaux des jardins : https://www.oiseauxdesjardins.fr/
Aurélia conseille l’utilisation du guide ornithologique édité par Delachaux et Niestlé : https://www.delachauxetniestle.com/livre/le-guide-ornitho/9782603029725
Pour conclure elle nous propose un quiz sonore. Nous écoutons successivement les chants des : – petit duc
- L’effraie des clochers
- Le hibou moyen duc
- La hulotte
- Le grand duc.
La soirée copieuse en découvertes se termine aux alentours de 22h30.
Merci à Aurélia et à Jules pour cette contribution nocturne passionnante.
D’après les notes de Régine Paris et la relecture appréciée d’Yves Caraglio














































