Biodiversité et théorie(s) de l’évolution.

Article de vulgarisation – Biodiversité et théorie(s) de l’évolution.

Qui dit biodiversité, ou plus justement diversité biologique, dit évolution et multiplicité des espèces. À l’heure où les créationnistes retrouvent des adeptes, un petit retour sur de VRAIS travaux scientifiques menés par des scientifiques depuis le début du 19ème siècle.

Jean-Baptiste de Lamarck de son vrai nom Jean-Baptiste-Pierre-Antoine de Monet de Lamarck (1744-1829), est un naturaliste français né en 1744 qui a posé les bases d’un nouveau regard sur la transformation des espèces (Il invente le terme de « Biologie » en 1802) et ce indépendamment de toute intervention divine comme il est d’usage en son temps.

Dans son discours inaugural au Museum d’Histoire Naturelle en 1800, il pose les principes de sa théorie du Transformisme : … ce n’est point la forme du corps qui donne lieu aux habitudes, à la manière de vivre des animaux mais que ce sont au contraire les habitudes, la manière de vivre… qui ont avec le temps constitué la forme des animaux.

Sa théorie s’appuie sur deux principes. Le premier est pour lui que la transformation est une caractéristique intrinsèque des êtres vivants qui vont donc se modifier naturellementde façon de plus en plus complexe pour en particulier améliorer leurs conditions.

Le second (principe appelé « d’usage et de désusage ») explique que « ce qu’une espèce n’utilise pas au quotidien », finit par s’atrophier. A contrario, « ce qu’elles utilisent fréquemment » se développe et s’améliore. Ces caractéristiques sont alors transmises par la reproduction à la génération suivante (héritées) apportant ainsi un avantage adaptatif au milieu.

Un des exemples les plus fréquemment cité pour éclairer sa théorie est celle de l’allongement du coup de la Girafe, qui de génération en génération va l’allonger pour bénéficier d’une ressource de nourriture plus abondante en hauteur, se différentiant ainsi des autres espèces concurrentes et moins adaptées.

Image : https://www.projetpangolin.com/selection-naturelle-mecanismes-exemples-concrets/

Dans la partie introductive de son ouvrage « Philosophie zoologique et Histoire Naturelle des animaux sans vertèbres » (1815), consacré à un groupe d’animaux peu étudié jusqu’alors, il définit les principes de sa conception de l’évolution du monde vivant.

Il a mis ainsi en évidence que la transformation des espèces se fait par transmission d’une génération à la suivante, sur un temps long et de manière graduelle.

Charles Darwin (1809-1882) dans son ouvrage « L’origine des espèces » en 1859 va remettre en question la théorie de Lamarck, en exposant sa théorie de la « descendance avec modification ». Cette façon de voir la mise en place de nouvelles espèces vivantes bouleverse la vision traditionnelle chrétienne qui prévaut alors, et pour laquelle les créatures en tout genre qui peuplent la planète sont des créations divines, immuables et indépendantes les unes des autres.

Il élabore sa théorie après un très long voyage d’exploration naturaliste sur les îles Galapagos, isolées du continent où il observe des espèces qui ont évoluées de façon différente de celles restées sur le continent. Vont suivre vingt années de travaux acharnés, en lien avec d’autres chercheurs dans le monde, qui lui permettent de rassembler les données et de démontrer l’existence d’ancêtres communs et d’évolutions adaptatives en fonction des milieux.

Sa théorie dérange car elle pose alors le fait que les espèces ont une histoire et sont apparentées.

Les pro et anti Darwin s’affronte en particulier lors d’une réunion célèbre à Oxford en juin 1860 ou l’évêque Samuel Wilberforce apostrophant le darwinien Thomas Huxley, lui demande si c’est “par son grand-père ou par sa grand-mère qu’(il) descend du singe” et s’attire cette réponse non moins célèbre : mieux vaut un singe qu’un imbécile… »

Selon Darwin, c’est par un processus de sélection naturelle que s’effectue l’évolution des espèces et non par le principe « d’usage et de désusage ».

Pour lui, tout repose sur la variation qui existe entre chaque individu d’une même espèce, chaque individu est unique, il diffère d’un autre individu de la même espèce par la taille, la sensibilité à une maladie, par un comportement particulier, etc. Il explique que certaines de ces petites modifications apparues chez des individus de manière aléatoire leur permettront de mieux survivre dans un environnement donné. A l’inverse les individus qui n’ont pas cette ou ces caractéristique(s) sont désavantagés et disparaissent progressivement dans cet environnement.

En effet au sein d’une même espèce, les individus porteurs d’une variation héritable, momentanément avantageuse pour les conditions du milieu (si elles se maintiennent suffisamment longtemps), se reproduiront également davantage et, de génération en génération, les individus porteurs de ces caractères seront progressivement de plus en plus nombreux. La capacité à se reproduire est ainsi filtrée par les conditions de l’environnement.

Si les conditions du milieu changent, les caractères avantageux ne seront pas forcément les mêmes et la sélection se fera sur d’autres caractères et donc de nouvelles populations seront filtrées. Il faut un temps long pour passer d’une espèce à une autre.

Comme chez Lamarck, Darwin explique que ces caractéristiques sont donc transmises de génération en génération permettant ainsi à l’espèce de survivre et d’évoluer dans un milieu changeant. Mais contrairement à ce que propose Lamarck, c’est le milieu qui sélectionne des caractères apparus de manière fortuite.

Image très connue des pinsons des Galapagos. En 1835, Darwin observa sur cette île une dizaine d’espèces différentes entre elles par leur régime alimentaire et donc par la forme du bec. Il supposa que toutes provenaient d’une espèce ancestrale unique et que selon les endroits de l’archipel, le milieu sélectionna des individus donc le bec était plus apte à manger des graines, chasser des insectes… amenant à une diversité d’espèce

Un sujet toujours travaillé dans les années 1990 (https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1558-5646.1985.tb00392.x )

Quels sont les mécanismes qui sont derrière la variabilité des caractères observés (ou non bservés) et qui permettent le filtre par la sélection naturelle ?

La reproduction permet d’obtenir une descendance, c’est un élément qui est connu et qui définit la notion d’espèce, mais la manière dont la reproduction assure la transmission des caractères était inconnu il y a peu., quel est le support de ce que l’on appelle l’hérédité.

Du début de la génétique. C’est Gregor Johan Mendel qui va le premier, dans sa théorie publiée en 1866, expliquer la transmission des caractères innés, mais ses travaux n’ont pas été reconnus alors qu’il les avait transmis à Darwin !

Ce moine de l’ordre des Augustins a travaillé sur les fruits des petits pois en regardant la variabilité de la forme des gousses, des grains, etc. Il a réalisé des croisements entre individus et observés comment les différents caractères observés se retrouvés dans la descendance et il les a analysés croisant ainsi biologie et mathématiques.

Il en a déduit qu’il existait des facteurs qui gérait l’hérédité des caractères selon deux principes (ou lois de Mendel) :

1 -Chaque caractère est déterminé par une paire de facteurs qui se séparent en une seule dose dans les cellules reproductrices (gamètes) : spermatozoïdes et ovules.

2-Ces facteurs qui définissent les caractères se répartissent dans les gamètes de manière indépendante et et se combinent au hasard dans la descendance.

Son travail est à la base du développement de la génétique.

Dans les années 1870, les travaux de Van Beneden, en précisant les mécanismes de la division cellulaire, permettent de comprendre la manière dont les gamètes se forment par double division du contenu du noyau (la méiose).

Il faut attendre les travaux de J Watson et F. Crick en 1953 pour mettre en évidence le support de l’hérédité : l’ADN, (Acide DésoxyriboNucléique), une double chaine de gènes imbriquée en hélice qui permet le codage et la transmission de l’information génétique de tout individu à ses descendants.

Le début du 20éme riche en avancées dans les sciences telle la biologie, la géologie et l’analyse statistique, va permettre d’établir à partir de 1930 « la synthèse de la théorie de l’évolution » ou Néodarwinisme.

Si nous résumons rapidement, voici les différents concepts et modèles qui ont tenté d’expliquer l’évolution des espèces :

  • le transformisme de Lamarck, qui dit que les organismes s’adaptent à leur milieu ;
  • la modification par descendance de Darwin, qui introduit le mécanisme de sélection naturelle. Les organismes les mieux adaptés à leur environnement, grâce à de nouvelles mutations, survivent et transmettent leurs gènes ;
  • le néodarwinisme (1930-1940), qui conserve le concept de sélection naturelle, mais qui précise en plus que l’évolution est graduelle. Les changements évolutifs par mutation se font de deux manières, soit une nouvelle lignée en remplace une autre (anagénèse) soit une lignée en donne deux nouvelles (cladogénèse).;
  • les équilibres ponctués de Stephen Jay Gould et Niles Eldredge (1972) sont comme le néodarwinisme mais les espèces évolueraient lors de périodes ponctuelles séparées par des périodes stagnantes, donc par paliers et non de manière graduelle.

Toutes ces approches mettent en évidence l’importance de la mutation. Il est important de bien souligner que la mutation, à l’origine du principal mécanisme évolutif est une erreur (sic !) dans le mécanisme de réplication des gènes dans les cellules. Ces erreurs accidentelles atteignent soit un caractère interagissant directement avec le milieu (sélection naturelle) soit un caractère sans incidence avec la sélection du milieu actuel : ce caractère neutre se transmet mais ni plus moins car pas de pression sur lui par l’environnement. Un caractère neutre transmis peut devenir un caractère sélectif dans le cas d’un changement des conditions du milieu de vie.

À l’épigénétique : alors que la génétique s’intéresse à l’étude des gènes, l’épigénétique s’intéresse à la manière dont les gènes peuvent s’exprimer de façon différente en fonction du milieu où ils se situent et notamment la forme de la chaine d’ADN va se trouver modifier par des facteurs de l’environnement et cette forme est transmissible : elle change l’expression des gènes mais sans en changer la nature (l’information géntique de l’ADN est inchangée).

Naissance et croissance :

  • Le sexe des Caïmans, alligators ou autres crocodiles, mais aussi des tortues est par exemple déterminé par la température extérieure lors des premières semaines suivant l’incubation.
  • Un même œuf fécondé d’abeille donnera soit une ouvrière si larve est nourrie successivement à la gelée royale et à la bouille larvaire, soit une reine si elle est nourrie exclusivement à la gelée royale.
  • Deux jumeaux qui partagent le même génome ne sont jamais parfaitement identiques
  • Toutes nos cellules contiennent la même information (notre patrimoine génétique : 46 chromosomes hérités de nos parents sur lesquels on compte environ 25 000 gènes), mais vont s’exprimer différemment pour donner des organes différentiés dans notre corps.

Tout au long de notre vie notre corps interfère avec de nombreux facteurs : l’alimentation, les maladies que nous contractons (virus, bactéries), les médicaments que nous ingérons, l’air que nous respirons, l’hygiène de vie (sommeil, rythme, sommeil, stress quotidien, tabac).

Tous ces « signaux » auxquels nous sommes soumis, peuvent introduire des modifications dans l’expression de nos gènes, mais aussi des erreurs.

Ces modifications peuvent-être provisoires, mais il existe des modifications épigénétiques définitives et qui persistent lorsque ces signaux disparaissent.

Enfin il semble que ces modifications peuvent être transmises aux générations suivantes, conduisant ainsi à l’évolution des espèces.

Pourtant les scientifiques admettent aujourd’hui que des anomalies épigénétiques contribuent au développement et à la progression de maladies humaines, en particulier de cancers et ils les soupçonnent dans le cas des maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson, sclérose…) ou métaboliques (obésité, diabète…).

L’épigénique, discipline récente s’intéresse donc de plus en plus à ces mécanismes complexes de l’évolution des espèces et dans le cas de l’homme de l’apparition de maladies.

Pour aller plus loin :

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89pig%C3%A9n%C3%A9tique#cite_note-INSERM-4

https://www.cea.fr/presse/Pages/actualites-communiques/sante-sciences-du-vivant/tout-s-explique-epigenetique.aspx

https://actualites.uqam.ca/2021/le-role-cle-epigenetique