Chêne Kermès

IL NE MANQUE PAS DE PIQUANT !

LE CHÊNE KERMÈS ET SA COCHENILLE
À QUOI RECONNAÎT-ON LE CHÊNE KERMÈS ?


Nom latin : Quercus coccifera
Famille : Fagacées
Hauteur : 50 cm à 2 mètres


C’est un des plus petits chênes, fait de buissons très denses. Il est typique de la garrigue.

Ses feuilles sont lisses et brillantes et garnies d’épines sur leur bord. Elles ressemblent à des feuilles de houx, en plus claires et plus petites. Contrairement au chêne vert, elles sont de la même couleur au-dessus et en-dessous. Elles vivent deux ou trois ans.

Attention, elles peuvent vous griffer les mollets ! Mais elles protègent le buisson des moutons et des chèvres, qui auraient fait un festin de ses feuilles si elles n’étaient pas épineuses.

Pauvreté du sol, sécheresse extrême : il parvient à pousser là où toute autre espèce aurait échoué. Il peut résister à plusieurs incendies ! Après le feu, de nouvelles pousses se forment très vite à partir de ses rhizomes, tiges souterraines qui composent sa souche.

De plus, s’il reçoit peu d’eau, il est capable de bloquer sa croissance. C’est pourquoi il reste souvent un petit buisson, alors qu’il peut en fait s’élever jusqu’à 5 à 6 mètres voire davantage, s’il a été épargné par le feu. Un beau spécimen est visible au Jardin des Plantes de Montpellier.

Grâce à ces propriétés avantageuses, on le trouve beaucoup sur les sols calcaires, secs, rocailleux et ensoleillés méditerranéens.

Au printemps, ses fleurs mâles s’épanouissent. Comme pour les autres chênes, on les appelle « chatons » : ce sont des grappes de petites fleurs jaunes et allongées. Il en produit beaucoup. Les fleurs femelles qui donneront les glands sont très discrètes et s’épanouissent un peu après. 

A l‘automne, ses glands apparaissent, ils mettent deux ans pour être mûrs. Le chêne kermès ne manque vraiment pas de piquant : même les cupules du gland sont couvertes d‘écailles pointues. Les glands sont tellement amers que même les animaux n‘en veulent pas !

En occitan, où le chêne kermès se dit avaus, son caractère piquant a donné de nombreuses expressions.

Una barba d’avaus est une barbe piquante comme le chêne kermès.

Quelqu’un d’agradiu coma un avaus, agréable comme un kermès…n’est pas des plus aimables !

Les méridionaux l’appelle aussi garric ou garri, ce qui viendrait de carra, « pierre ». On discerne le lien avec la garrigue, lande installée sur des sols pierreux faits de roche calcaire. En Occitan, Garriga vient de la même racine Kar/gal : pierre et désigne les zones incultes où poussent le kermès. Garric désigne plus précisément le kermès (d’après : Toponymie Occitane, Ed Sud ouest université).

Son bois servait pour le chauffage et le soutirage du vin. Son écorce et ses racines, riches en tanins, étaient utilisées pour l’industrie des cuirs. On faisait de ses glands torréfiés un substitut au café, et de ses glands moulus une farine.

LA COCHENILLE, UN DRÔLE D’INSECTE ?


Nom latin : Kermes ilicis
Famille : Kermesidae
Taille : forme sphérique de 6 à 8 mm


Qu’est-ce que c’est que cette petite coquille dure, brunâtre ou blanchâtre puis rouge, qu’on trouve sur les branches du chêne kermès ? C’est la cochenille, ou kermès (kermes en latin ou qirmiz en arabe). Jusqu’au début du XIXe siècle, on ne savait même pas que c’était un insecte ! Avant que l’italien Giacinto Cestoni ne le découvre, on pensait qu’il s’agissait d’un élément végétal et non pas animal : on croyait à une graine, une petite excroissance du chêne.

Difficile de savoir qu‘on a affaire à un insecte : on ne voit ni antennes, ni ailes ni pattes visibles. La cochenille femelle vit immobile, cachée sous sa carapace qui protège ses œufs. Pour se nourrir, elle aspire la sève du chêne.

Une seule cochenille peut donner naissance à 20 000 nouvelles cochenilles en une seule année !

Mais si elle est immobile et sans pattes, comment infeste-t-elle le chêne ? Quand les œufs éclosent, des larves sortent, qui se transforment en nymphes. Toutes petites, elles sont mobiles pendant deux ou trois jours. Le temps de choisir une tige ou une feuille pour passer le reste de sa vie, définitivement fixée.

Pour passer d‘une plante à une autre, la nymphe de la cochenille utilise le vent, ou mieux, les fourmis. Celles-ci, attirées par ses excrétions sucrées, lui servent de taxi !

Pour se protéger des prédateurs, la cochenille kermès produit un « acide carminique » : un produit de couleur rouge. C’est pourquoi sa coquille ressemble à une graine rouge.

POURQUOI LE CHÊNE KERMÈS
A-T-IL REÇU LE NOM DE SA COCHENILLE ?

PARCE QU’ELLE A EU UNE GRANDE IMPORTANCE DANS LE SUD

D’autres insectes ont pour maison ce chêne, par exemple la cigale des garrigues. Alors pourquoi l’appelle-t-on le « chêne kermès » et non pas le « chêne cigale » ? Parce que la récolte de kermès était une activité très importante dans le Sud. On a alors donné au chêne le nom de cette cochenille qui a permis à beaucoup de familles languedociennes de vivre. Même son nom latin, « Quercus coccifera », signifie « chêne porteur de cochenilles ».

La récolte avait lieu au mois de mai. Les familles modestes, souvent les femmes et les enfants, laissaient pousser leurs ongles pour gratter les cochenilles. Macérées dans l’eau, séchées puis broyées, ces « graines écarlates » fournissaient une teinture rouge très utilisée au Moyen Âge pour les habits du clergé et les tissus de luxe. On plongeait la laine et les étoffes dans la teinture bouillante. La récolte était très difficile et la teinture nécessitait une grande quantité de kermès. Cette couleur était donc rare et extrêmement chère. Elle indiquait le statut hiérarchique des princes et des autres nobles, qui l’appréciaient beaucoup.  

Les villes de Montpellier et Narbonne étaient célèbres pour la production de draps rouges teints au « rouge de kermès », qui a donné « rouge carmin » et « cramoisi ». A Sète on parlait de la couleur « vermillon » (du latin « vermis », ver) des cochenilles kermès récoltées sur le mont saint Clair. 

L’utilisation pour la teinture aurait commencé dès l’Antiquité, chez les romains mais aussi chez les celtes : on a identifié du kermès sur des tissus retrouvés dans leurs tombes. Au Moyen-Âge, on l’utilise beaucoup. Le kermès est le seul à donner un ton vraiment rouge : les autres cochenilles donnaient des teintures plutôt roses ou violettes. Au XVIIIe siècle, on découvre les Amériques et la cochenille du nopal, un cactus cultivé au Mexique pour la teinture. Il donne un rouge aussi profond et moins cher à produire : l’exploitation de kermès s’arrête alors. Aujourd’hui, les garrigues se sont raréfiées et la cochenille kermès y est bien moins présente, peut-être à cause des incendies. 

À travers les époques, il y a eu de nombreuses utilisations des cochenilles chez les peuples méditerranéens. Pour l’alimentation, on dit que les hommes en faisaient une sorte de pâté dans l’Antiquité. Et jusqu’au 18esiècle, le kermès entra dans la composition de nombreux médicaments : astringents pour traiter les plaies, décongestionnant oculaire, liqueurs pour faciliter la digestion…

À la lisière des chênes kermès on trouve des champignons rouges comme sa cochenille, des lactaires qu’on appelle « sanguins » en Provence. Décidément, avec le chêne kermès, on voit la vie en rouge !