Samedi 6 mars 2021
Pour fêter les 10 ans de l’A.R.B.R.E, l’association a choisi comme thème de l’année 2021 de s’intéresser plus particulièrement aux arbres et propose à ce titre une série d’évènements.
La sortie d’aujourd’hui fait suite à la visio-conférence du 20 février dernier de Claire Atger intitulée « Pas de sol sans racines, pas de racines sans sol » et disponible en réécoute sur le site de l’association.
24 personnes étaient présentes ce samedi 6 mars 2021 à 15 heures au rendez-vous du parking des carrières à Beaulieu pour participer aux travaux pratiques.
Claire Atger ou « Madame Racines » comme elle aime se présenter accueille les participants et leur propose de répondre aux questions : Qu’est-ce qu’un sol ? Comment cela se crée ?
Nous sommes sur la zone d’extraction de la pierre dite de Beaulieu exploitée depuis les Romains. Il s’agit d’un calcaire coquillier utilisé principalement pour la construction de bâtiments publics et privés. Nous sommes au niveau de la roche-mère. Le sol originel a disparu par l’exploitation de la carrière et on observe la manière dont la roche mère est recolonisée. Nous pouvons ainsi voir les premières étapes d’une implantation accélérée. On a une belle image de ce que la végétation peut faire quand on la laisse en paix. Il en a été de même à Tchernobyl.

La revégétalisation commence avec l’implantation d’algues de lichens, puis de mousses qui en se décomposant déposent des matériaux organiques qui permettront à des herbes annuelles puis à des plantes pérennes de s’installer successivement. Claire nous montre un sol qui a été fabriqué grâce à l’action des racines des plantes. C’est la pédogenèse (genèse du sol). Avec les excréments des animaux de passage, on aura des graines. Le thym, la lavande, l’euphorbe s’installent en premier puis nous avons des végétaux plus hauts.
La paroi verticale qui est devant nous n’héberge aucun végétal, trop lisse et difficile à coloniser alors qu’à son sommet pousse déjà un pin dont on peut supposer que l’implantation a été plus facile que sur les parties verticales. La végétation ligneuse de première génération va permettre l’implantation d’autres végétaux. Un processus de cicatrisation avec des arbres tombés au sol peut aussi s’opérer. Les pins recolonisent rapidement, ce sont des pionniers, puis arrivent plus tardivement les chênes.
Ici les arbres sont « transparents » avec une croissance difficile en particulier parce que leurs racines courent presque directement sur la roche mère faute d’un sol leur permettant de s’implanter en profondeur.
Pour une meilleure compréhension du processus, plusieurs fosses ont été creusées gratuitement par Gaël Even, terrassier, avec des objectifs précis, dans une zone de carrières qui a été comblée : deux fosses à proximité d’arbres, une troisième en lisière des cannes et une quatrième dans un sol anthropisé[1].
L’extraction de la pierre a creusé des cavités et leur comblement a été conduit par l’alternance de couches de matériaux qui n’ont rien à faire ici : de l’enrobé, des blocs de calcaire, des morceaux de verre… Nous ne sommes pas dans la stratification naturelle des sols. C’est un remblai. Ce n’est pas forcément mauvais. C’est ainsi que les villes s’élèvent de 10 cm par siècle et que nous avons des sols anthropisés.
Pour tester un sol, le pédologue va s’intéresser à la physique du sol. Il va étudier notamment la porosité du sol qui va permettre aux racines et aux vers de terre de se déplacer grâce à l’existence de poches d’air qui facilitent aussi l’infiltration de l’eau de pluie. Ainsi une structure grumeleuse est une bonne chose. Le pédologue dispose d’un code des couleurs.
Un des critères morphologiques des sols facilement accessible est sa couleur. Elle est appréciée aussi bien lors d’un sondage à la tarière que sur la paroi d’une fosse pédologique, en utilisant la Charte internationale des couleurs Munsell® (Munsell Soil Color Chart). Chaque couleur est identifiée par un code unique qui combine la teinte de base, la clarté et la saturation. Certaines colorations l’alertent.

La proportion d’argile dans le sol est importante dans notre région. Nous avons aussi des limons, du sable. Le mélange de ces matériaux est favorable. On peut y ajouter des fragments de roches plus grossiers (petits graviers par exemple) pour améliorer la porosité. Les sols de remblai comprennent aussi des matériaux exogènes qui se mélangent à l’argile.
Il faut que le sol respire pour favoriser la décomposition de la matière organique et la vie des organismes du sol (végétal et animal). Le manque d’air est néfaste : on parle alors d’un état d’hydromorphie lorsque le sol ne draine pas correctement et qu’il est donc dépourvu d’oxygène ce qui ne permet pas aux animaux de vivre. Les plantes ont une capacité extraordinaire pour s’implanter. Elles doivent cependant puiser des éléments organiques d’où l’importance du drainage.
Pour analyser sérieusement un sol il faut creuser une fosse, prélever des « carottes » et étudier la porosité (existence ou non de petits et grands trous). Souvent on préfère, à tort, faire une analyse chimique des sols plutôt qu’une étude physique.
Nous nous dirigeons vers la première fosse devant deux cèdres. Claire prélève un premier matériau. Son aspect « crumble » est positif. Il témoigne du rôle de la matière organique dans la structuration du sol. Les pédologues étudient aussi la manière dont le matériau se fissure. Ils cumulent des paramètres importants pour déterminer la qualité d’un sol. Dans un sol naturel, la matière la plus foncée devrait être en surface et la plus claire en profondeur. Avec les remblais, c’est différent.
Claire nous montre des racines qui peuvent descendre très profondément dans le sol. La diversité des formes souterraines est extraordinaire. Ainsi nous sommes devant un pin d’une quinzaine d’années (âge déterminé par la lecture des étages de branches) à la croissance faible.

Les formes racinaires sont très variées pour réussir à coloniser le sol avec un système de racines principales qui se fixent dans le sol et des racines horizontales qui en dérivent pour boire et manger.
Nous abordons la deuxième fosse à proximité d’un pin. Les variations des qualités du sol peuvent être très importantes sur de très faibles distances, le sol est parfois fondamentalement hétérogène. Le milieu aérien est relativement homogène et structuré. Le sol n’étant pas homogène, la partie souterraine des végétaux offre plus de plasticité pour permettre à la plante de se procurer ce dont elle a besoin selon les variations du milieu. Ainsi en est-il des sols alluvionnaires déposés par les cours d’eau. Le fleuve Aude s’est déplacé et baladé sur de très grandes distances. On trouve des restes de dépôt un peu partout avec des volumes différents. En faisant un remblai, on couvre et on modifie les caractères du sol.

Une auditrice s’interroge sur ce qui se passe quand on comble la fosse ?
Claire indique que les racines ont obligatoirement souffert. Elles boivent à leur extrémité, là où il n’y a pas d’écorce. Les arbres savent refaire des extrémités. Mais dans les racines il n’y a pas de bourgeons, donc la restauration des plaies est difficile.
Une autre question concerne l’habillage des racines ?
Quand on arrache un arbre pour le replanter il faut faire des plaies propres, franches, sectionner les racines rigides et réduire les racines fines pour qu’elles ne dépassent pas le volume défini par les racines. Si des racines fines dépassent à la plantation elles pourront être déformées et Attention il peut y avoir un risque d’étranglement. Quand on achète une plante en pot, il faut sortir la motte et l’examiner. S’il y a beaucoup de racines qui sortent de la motte et qui tournent dans le pot, ce n’est pas bon. Ne pas hésiter à les couper. Les plantes en pot sont souvent bourrées d’engrais. Il vaut mieux acheter des arbres en racines nues, de petits calibres avec plein de racines de nutrition. Pour les arbres fruitiers, on achète un arbre composé d’une tige unique de petit volume (un scion ou un baliveau). Si on plante un arbre déjà grand, il faut mettre autour des arbres moyens et des petits car l’avenir est dans les jeunes.
Nous passons à la troisième fosse, à proximité des cannes. Nous observons un sol inversé : d’abord la roche puis la terre. Des cannes progressent en surface avec des rhizomes d’où une colonisation superficielle car la stratification du sol est bloquante.

Quelles différences avec le bambou, interroge une auditrice ?
C’est le même groupe nous dit Claire avec des tiges creuses mais d’une autre espèce. A différencier aussi de la canne à sucre dont on mange des bâtons.
La quatrième fosse a été creusée sur un sol anthropisé. C’est la cour des miracles ! Nous avons des restes de matériaux divers et pouvons constater la grande résilience des végétaux compte tenu de la toxicité de certains produits. Nous sommes sur l’emplacement d’une ancienne déchetterie. C’est colonisable néanmoins. Un bon terrassier va faire des creusements et des tas différents en fonction des différentes couches qu’il rencontrera. Il les stockera en différents tas et puis les remettra dans l’ordre d’origine.
Claire travaille à aider des collectivités locales à réussir des plantations de qualité. Elle est critique sur les normes en vigueur qui ne sont pas généralisables à toutes les espèces. Ainsi la norme dit que le diamètre de la motte racinaire devrait faire trois fois la circonférence de l’arbre à un mètre de hauteur, ce qui est trop peu. Elle continue à préférer la plantation de petits sujets qui deviendront grands bien qu’ils ne soient pas spectaculaires au départ. Elle évoque le remplacement des platanes le long du canal du Midi notamment par des micocouliers aux racines explosives et regrette que l’on n’ait pas fait le choix de nouvelles espèces à titre expérimental en raison du changement climatique.
Quelques vaillants auditeurs manient la pelle pour combler cette fosse afin d’éviter la chute malencontreuse de quelques promeneurs distraits.

A l’issue de cette déambulation sympathique et instructive, nous voici mieux informé.es sur la nécessaire et judicieuse cohabitation sol-racines. Merci à Claire pour ses explications limpides. Nous regarderons désormais autrement là où nous posons les pieds et guetterons le moindre ver de terre pour nous rassurer sur l’état du sol.
Régine Paris avec la relecture attentive de Claire Atger
Merci aux participants, Patrick Paris, Marie-Paule Dusserre et Jackie Maert, qui ont partagé leurs photos pour illustrer ce compte-rendu.
[1] Dégradation du sol liée à l’action humaine
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